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POÉSIES


SENTENCE


Le vrai sage est celui qui fonde sur le sable,
Sachant que tout est vain dans le temps éternel,
Et que même l’amour est aussi peu durable
Que le souffle du vent et la couleur du ciel.

C’est ainsi qu’il se fait, devant l’homme et les choses,
Ce visage tranquille, indifférent et beau,
Qui regarde fleurir et s’effeuiller les roses
Comme éclate, s’empourpre ou s’éteint un flambeau.

Les soirs n’ont pas pour lui de cendres douloureuses, —
Car le jour qu’il voit naître est le jour qu’il attend,
Et il n’attise pas de ses mains paresseuses
Les flammes de l’aurore et les feux du couchant.

Parmi tout ce qui change et tout ce qui s’efface,
Je pourrais, comme lui, rester grave et serein,
Et, si la fleur se fane en la saison qui passe,
Penser que c’est le sort que lui veut son destin.