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quelle était charmante. Elle le sera encore quelques années. Après quoi, elle deviendra l’Anglaise sentimentale et excentrique, qui fait la joie des tables d’hôte continentales. Quant au capitaine Brassbound, il est si peu converti qu’il recommencera, dès demain, à écumer les mers.

The Widowers houses nous ramène en Angleterre après nous avoir promenés sur le Rhin où le jeune docteur Trench s’est étourdiment fiancé à miss Blanche Sartorius. Il croit que la rencontre est un effet du hasard, alors qu’il est tombé dans un piège matrimonial préparé à Londres. Il ne sait rien de la position du père et il est sincèrement épouvanté en apprenant que le revenu de cet honnête homme provient des horribles maisons de Robbin’s Row où est logée la population la plus misérable de Londres, dans des conditions qui délient toutes les lois de l’hygiène, de la décence et de l’humanité. Que fera-t-il ? Se retirera-t-il ? Non, car il est homme d’honneur et, de plus, amoureux, mais il n’acceptera pas un sou de son beau-père. Sur quoi, M. Sartorius lui apprend qu’il est, lui, Trench, propriétaire d’une hypothèque sur ces mêmes Slums de Robbin’s Bow et qu’il vit des intérêts que lui rapporte cette hypothèque. L’homme d’honneur ne se rend pas encore. Mais le beau-père lui donne à entendre que rien ne serait plus facile que de le rembourser et de trouver un autre prêteur moins scrupuleux. Si le docteur Trench était réduit à mettre dans les consolidés son capital placé dans les Slums de Robbin’s Row, il verrait son revenu annuel tomber de 700 livres à 250. Là-dessus, l’homme d’honneur devient souple comme un gant et épouse sans mot dire. Tel est le gentleman anglais, d’après M. Shaw : honorable jusqu’à une certaine limite, jusqu’à un certain chiffre.

Il en est de bien pires que le docteur Trench : par exemple, ce baronnet qui commandite des maisons de plaisir dans les grandes villes du continent. Celui-là semble avoir un certain goût pour la fange, car non content des dividendes de l’infamie, il a fait une amie de Mrs Warren qui dirige ces établissemens, et il a le projet d’épouser la fille de cette dame qui a reçu l’éducation d’une lady et, qui plus est, d’une intellectuelle, puisqu’elle arrive de Cambridge où elle a obtenu un rang distingué dans le Tripos. La lutte morale qui s’engage entre cette mère et cette fille est le sujet de Mrs Warren’s Profession, une pièce qui est impossible à jouer, pénible à lire et difficile à raconter. Le reste