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bonnes, et auxquelles il n’a manqué que de trouver de meilleurs moyens, et surtout des moyens plus intelligens, de se réaliser. Admirateurs sincères, et on pourrait dire passionnés, de ces grands écrivains qu’ils critiquent, leur critique n’est justement, du moins à l’origine, qu’un effet de leur admiration, Bien loin de méconnaître les qualités de Molière ou de Racine, ils n’en veulent à ces grands écrivains que des taches qu’on trouve encore eu eux. Ils ne sont point parfaits ! Mais quoi, se disent nos grammairiens, ne pourrait-on les rendre tels, rétrospectivement ? et, par exemple, serait-il impossible de distinguer en eux leurs qualités d’avec leurs défauts, et de retenir les unes, qu’on imiterait, on rejetant les autres, qu’on éviterait ? Les modèles seraient ainsi fixés dans une attitude éternelle ! On chercherait, on trouverait, on dirait en quoi, comment, pour quelles raisons ils sont des modèles. Le respect qu’ils inspireraient ferait une barrière naturelle à la menaçante invasion du « néologisme. » Leurs exemples ne s’opposeraient pas moins à la « préciosité » renaissante, qu’aux progrès quotidiens de la vulgarité. On verrait se multiplier les copies de leurs chefs-d’œuvre. Il y aurait des Massillon, qui seraient des Bossuet moins rudes, plus élégans, dont les accens, plus harmonieux, flatteraient plus agréablement les oreilles de Cour ; et Voltaire, à la ville, serait un Racine plus pathétique, plus « mondain, » moins étranger aux choses qui ne sont pas de son art. On a relevé quelque part ce propos de Voltaire : « Ma mère, qui avait connu Despréaux, disait de lui que c’était un bon livre et un sot homme ; » les Boileau du XVIIIe siècle, plus avertis, ne seraient pas des sots. C’est même en quoi consisterait la supériorité du Temple du Goût sur l’Art Poétique. Mais ce serait la même tradition ; ce serait la même langue, maintenue dans sa fixité par le même corps de syntaxe ; ce serait donc aussi la même littérature ; et ce serait surtout, — car là est le grand point pour nos « grammairiens, » — les mêmes raisons de propagation de cette langue et d’universalité de cette littérature.

Je crois avoir résumé, dans ces deux paragraphes, — et peut-être un peu éclairci, — ce qu’il y a de sujets mêlés dans le livre de M. François. En voici le titre complet : La Grammaire du Purisme et l’Académie française au XVIIIe siècle. Introduction à l’étude des commentaires grammaticaux d’auteurs classiques. Et en effet, tout cela s’y trouve : la critique des « grammairiens