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un voyage à sparte.

la raison de ce que Phidias a ajouté aux simulacres des dieux et à la religion ; et qu’enfin, si les fragmens d’Anaxagore nous manquaient, on retrouverait sa doctrine dans les statues de Phidias. Ces membres épars d’une philosophie et d’un temple semblent faits sur le même modèle spirituel. Il y avait un certain rapport entre la nature et Phidias, et c’était le même qu’entre la nature et Anaxagore.

C’est la doctrine d’Anaxagore qui rend le mieux compte des dispositions morales où m’inclinent les statues de Phidias. Mais mon objet n’est point d’expliquer comment Phidias a raisonné. Aussi bien, il n’a pas raisonné, il a eu du goût. Je cherche à me le rendre intelligible, et, de fait, je suis parvenu à me faire une vue de son œuvre en prenant pour repère le point où était parvenue, de son vivant, la philosophie.

Vraiment, sur l’Acropole, je ne pouvais pas n’avoir qu’un plaisir ordinaire de musée. C’est bon qu’au British Museum et au Louvre, je me contente d’enrichir de belles formes mon imagination de conteur, mais dans Athènes ! J’attends des marbres athéniens qu’ils me renseignent sur la vie puissante qui, jadis, anima cette société, sur sa conception des dieux, de la patrie et de la nature ; je veux qu’ils m’ouvrent d’immenses perspectives nouvelles et me proposent des sentimens tout neufs pour un chrétien de la vallée du Rhin.

Mon pèlerinage n’a pas été déçu. Ce grand art de l’Acropole soulève les plus graves problèmes intellectuels ; il nous fournit d’admirables représentations d’une vérité qui était efficace au Ve siècle et qui est encore une des deux grandes vérités humaines. Cependant le Parthénon n’éveille pas en moi une musique indéfinie comme fait, par exemple, un Pascal. C’est qu’en explorant ses vestiges, je ne repasse point par des sentimens éprouvés, familiers et chers. Il nous oblige à le rejoindre dans un passé qui nous désoriente. Entre le Parthénon et nous, il y a dix-neuf siècles de christianisme. J’ai dans le sang un idéal différent et même ennemi. Bien que je reconnaisse l’interprétation hellénique de la vie comme très haute et d’immense portée, elle m’est étrangère et sans résonance. Si Gœthe, par son commentaire de Spinoza, ne m’avait pas préparé, je n’aurais rien de vivant en moi où rattacher la pensée de Phidias : un Juif et un Allemand sont mes anneaux intermédiaires…