Des jeunes filles anglaises mangeaient des sandwichs trop gros pour leur appétit et semblaient n’être venues que pour faire le bonheur des chiens de Mégare.
Les évolutions lentes et cadencées se succédèrent indéfiniment.
Je me félicite à chaque pas de mon voyage en Grèce d’être averti par la splendeur des noms. J’ai vu à Palma de Majorque, dans le domaine de Raxa, des rondes rustiques dont le décor et le caractère m’ont autrement touché que les danses de Mégare. Celles-ci, ailleurs qu’en Grèce, je les oublierais tout de suite. Eh bien ! j’aurais tort. Ces femmes ne valent pas en beauté, j’imagine, les anciennes courtisanes de Mégare, qu’on appelait des sphinges ; leurs mouvemens ne me semblent guère expressifs ; mais je suis en Grèce, à l’école, et pourquoi mes sens dédaigneraient-ils de prendre des leçons de tempérance ? J’assiste à une fête municipale ; je devrais goûter son naturel où rien n’est trivial et qui m’avertit que la foire de Neuilly est proprement ignoble. J’ai vu à Mégare quelque chose dont nous ne pouvons rapprocher que nos processions catholiques ; mais à nos plus aimables Rogations, il manque cet effacement de l’individu, cette subordination de chaque danseuse, dans l’équilibre et dans la convenance générale.
Je me suis renseigné à l’École française d’Athènes. « Danses albanaises, » m’a-t-on répondu. Mais un Athénien fort érudit m’affirme qu’elles appartiennent à la meilleure tradition grecque. Ces gens de Mégare seraient de race dorienne. J’attends d’être fixé sur ce problème ethnique pour savoir si je m’ennuyai, ce mardi de la Pâque grecque, à Mégare.
En revenant vers Athènes, j’aurais voulu rencontrer ce paysan qui menait un âne chargé de raisin et que l’illustre M. Fauvel fit voir à Pouqueville : « Regardez Neri, lui dit-il, Neri le descendant des derniers princes d’Athènes. Il ne revendique pas la couronne ducale de ses glorieux ancêtres ; il s’embarrasse aussi peu de son extraction que le gouvernement turc s’inquiète de ses droits sur l’Attique. Sa dynastie succéda aux maisons de la Roche et de Brienne, après la décadence des seigneurs français dans la Grèce. La force lui a pris ce que l’astuce avait donné à ses pères. Aujourd’hui, le pauvre Neri, aussi noble qu’un grand d’Espagne, est devenu le plus simple et le plus humble des raïas de la terre classique. » Ce petit-fils