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un voyage à sparte.

pour mon perfectionnement, je manquais de sincérité envers moi-même. Qu’ai-je trouvé d’abord au milieu de cet horizon sublime et sur les rocailles de ce fameux rocher ? Quelque chose de ramassé, de farouche et de singulier, une dure perfection, sous laquelle je crus entendre des gémissemens.


IV. — LES PAS DANS LES PAS


Les yeux sans cesse rappelés vers le Parthénon, j’ai, pendant quinze jours, parcouru l’Athènes moderne, élégante, plaisante, j’allais dire pimpante, et les vieux quartiers, pleins de turqueries, où de gros personnages, vêtus de fustanelles, manient les grains de leurs fastidieux « Komboloi. » Les masures accrochées aux flancs de l’Acropole me redisaient la phrase dont vécut la mélancolie des voyageurs romantiques : « Athènes n’est plus qu’un village albanais. » En visitant les fouilles récentes, l’Agora, les maisons étroites des contemporains de Périclès, leurs citernes, les puits où coulait le vin de leurs pressoirs, je me plaignais secrètement de trouver plus de « curiosités » archéologiques que de beautés évidentes. Bien que je doive en rougir, je me rends compte que je cherchai d’abord dans Athènes des objets analogues à ceux qui, dans d’autres pays, m’avaient donné du bonheur. Je ne trouvai point d’agrémens faciles, sensuels, dans ce pays de la raison.

Timidité ou manque de goût, j’ajournais d’attaquer l’Athènes essentielle, et je ne songeais pas à me placer moi-même au centre des beautés que j’entrevoyais. J’élaborais des jugemens analogues à ceux des littérateurs qui me précédèrent ici. Avec une régularité qui mènerait au désespoir des hommes assez imprudens pour s’attarder à réfléchir sur notre effroyable impuissance, nous mettons éternellement nos pas dans les pas de nos prédécesseurs immédiats. Les ombres de Byron et de Chateaubriand, que j’avais amenées de Paris, m’accompagnaient dans toutes mes dévotions. C’est à former des rêveries qui s’accordassent avec les leurs que j’employai ma première semaine, et du temple de Thésée au Pnyx, à l’Aréopage et à la colline des Nymphes, sous une lumière brûlante, j’ai vagué sans que le sol de l’Attique me fût plus nourrissant que les gravats que paissaient, durant cette semaine de la Pâque grecque, d’innombrables agneaux pascals.