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un voyage à sparte.

lorgnette l’avait chassé. Mais, en avril 1900, comme je suivais la mer d’Ionie et de Crète, déçu par l’horizon, j’étais réduit à me pencher sur le sillage des illustres pèlerins qui vinrent avant moi chercher la Raison dans sa patrie, et je subissais avec eux cette alternative d’ardeur et de déception où nous balancent des noms qui parlent si fort et des rivages si muets.

Le quatrième jour, par un ciel lumineux et sur une mer indulgente, nous entrâmes au golfe d’Athènes. Toute sauvagerie a disparu ; l’abrupt se transforme en netteté et fermeté. Voici les îles d’Égine, de Salamine, et puis, dans une échancrure que forment deux belles montagnes, un rocher apparaît qui porte quelques colonnes et le triangle d’un fronton. Le cœur hésite ; le doigt, le regard interrogent. Cette petite chose ?… C’est l’Acropole, semblable à un autel, et qui nous présente, avec la plus étonnante simplicité, le Parthénon.

Vue à trois lieues depuis la mer, au fond d’un golfe pur, resserrée entre les montagnes et sans défense, l’Acropole émeut comme un autel abandonné. Eh quoi ! tant de confiance ! Le plus précieux morceau de matière qui soit au monde s’expose si familièrement ! Un mouvement de vénération nous convainc avant que, de si loin et si vite, Minerve ait pu toucher notre intelligence.

Ce petit rocher ruineux se rattache en nous à tant d’idées préalablement associées que ce seul mot des passagers : « Athènes ! voici l’Acropole ! » détermine dans ma conscience le même bruissement qu’un coup de vent dans les feuilles de la forêt. Mon jugement propre n’avait aucune part dans mon enthousiasme, car ce premier aspect d’Athènes, exactement, me déconcertait par son apparence de bibelot bizarre ; mais les Chateaubriand, les Byron, les Renan, les Leconte de Lisle s’agitaient, faisaient une rumeur de foule dans les parties subconscientes de mon être.


III. — PREMIÈRE VISITE À L’ACROPOLE


Je fis ma première visite au Parthénon une heure après mon débarquement dans Athènes.

Encore mal débarrassé du sel marin et de la poussière du Pirée, je me tenais sur le perron de l’hôtel et m’orientais vers l’Acropole quand de grands cris m’étonnèrent.