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UN
VOYAGE À SPARTE


I


I. — LE DERNIER APÔTRE DE L’HELLÉNISME.


L’idée qu’on se faisait de la Grèce, de cette littérature et de cette contrée célèbre n’a pas toujours été la même en France, et elle a passé depuis trois siècles par bien des variations et des vicissitudes.
Sainte-Beuve.


Au lycée de Nancy, en 1880, M. Auguste Burdeau, notre professeur de philosophie, ouvrit un jour un tout petit livre :

— Je vais vous lire quelques fragmens d’un des plus rares esprits de ce temps.

C’étaient les Rêveries d’un païen mystique. Pages subtiles et fortes, qui convenaient mal pour une lecture à haute voix, car il eût fallu s’arrêter et méditer sur chaque ligne. Mais elles conquirent mon âme étonnée.

Avez-vous fait cette remarque que la clarté n’est pas nécessaire pour qu’une œuvre nous émeuve ? Le prestige de l’obscur auprès des enfans et des simples est certain. Aujourd’hui encore, je délaisse un livre quand il a perdu son mystère et que je tiens dans mes bras la pauvre petite pensée nue.

Les difficultés de la thèse de Ménard, l’harmonie de ses phrases pures et maigres, l’accent grave de Burdeau qui mettait sur nous l’atmosphère des temples, son visage blême de jeune contremaître des ateliers intellectuels, tout concourait à faire de cette lecture une scène théâtrale.