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plusieurs de ces reconnaissances, les mieux dirigées, car Samsonof était, sans contredit, un des plus intelligens, des plus habiles parmi les généraux russes. Le quartier général, à court d’informations sur l’ennemi, et voulant, à tout prix, en apprendre quelque chose, harcelait quotidiennement Samsonof, pour qu’il rendît un compte exact des forces qui se trouvaient devant lui. C’était après la bataille de Oua-Fan-Gou vers la fin de juin, et les avant-postes russes s’étendaient au sud de Kaiping. Le général Stackelberg, commandant le 1er corps sibérien, battu à Oua-Fan-Gou s’était replié vers le nord, suivi, mais non poursuivi, par l’armée du général Oku. Cette armée était-elle restée entière, composée des mêmes divisions qui participèrent à la bataille, ou bien ne s’était-elle pas dégarnie en faveur des autres armées japonaises, celles de Nodzu et de Kuroki, qui opéraient dans l’est, menaçaient de tourner les Russes ? Il était de toute nécessité pour l’état-major russe d’être exactement fixé là-dessus, et comme il n’arrivait pas à l’être, il harcelait Samsonof qui n’en pouvait mais.

Nous partions dans la nuit : une dizaine d’escadrons, cosaques et dragons, une batterie d’artillerie montée, un bataillon d’infanterie laissé en réserve composaient la colonne. Quand on arrivait sur la ligne des sentinelles ennemies, quelques escadrons mettaient pied à terre et se déployaient en tirailleurs. Les avant-postes japonais se retiraient bien vite, poursuivis par une charge des cavaliers russes. Mais bientôt, sur les collines, couvertes de tranchées, une agitation, un grouillement étaient visibles. Les Japonais mettaient en position leurs canons ; des lignes d’infanterie se formaient et commençaient un feu nourri. La reconnaissance était finie ; elle avait coûté une trentaine d’hommes, tués ou blessés et rapporté un nombre à peu près égal de sacs japonais, que leurs propriétaires avaient, dans la précipitation de leur fuite, abandonnés. Mais quels renseignemens nouveaux avait-on ? Nous avions vu un certain nombre de bataillons ennemis, preuve que les avant-postes étaient forts et devaient couvrir des troupes importantes. Ce qu’il y avait par derrière, l’importance de ces troupes, on l’ignorait. Il aurait fallu pour l’apprendre risquer une véritable bataille. Tel était le bilan ordinaire des reconnaissances de cavalerie.

Non seulement on ignorait absolument la position des corps ennemis, leur force respective, mais même, chose beaucoup