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les libertins défenseurs d’une morale corrompue ont servi à la cause de Jésus-Christ, comme aussi toutes les révolutions des empires, les ruines des villes, les massacres, les incendies, les guerres exterminatrices. Qui est-ce qui ne sert pas à cette cause divine ? L’hérésie, le schisme, l’apostasie, l’enfer même ne travaillent qu’à la gloire du Rédempteur et de son épouse qui jamais ne se sépare entièrement de lui. Nous travaillerons donc à la cause de Jésus-Christ et de l’Eglise, soit que nous le voulions, ou ne le voulions pas, soit que nous lui obéissions ou que nous lui désobéissions, soit que nous lui soyons unis ou bien encore divisés. Qu’il soit donc vrai, supposons-le un instant, qu’il arrive que vous puissiez pousser les peuples à la rébellion, lors même qu’après un déluge de maux, le monde se trouve rajeuni et dans une heureuse prospérité, soit que l’Eglise elle-même sorte de là plus belle après tant de désastres, et que nous voyions revenir les temps des premiers chrétiens, que seriez-vous en droit d’en conclure, mon très cher frère ? Auriez-vous fait une bonne œuvre ? Certainement l’œuvre serait couronnée d’effets salutaires, mais non pas pour vous. Vous auriez coopéré à la gloire de l’Église comme y coopèrent ceux qui lui désobéissent. Vous auriez été un instrument dans les mains de Dieu, comme le sont ses ennemis, mais non comme le sont des amis qui restent attachés au cep de la vigne. Quid prodest homini ? Un sarment une fois séparé ne sert plus qu’à être jeté au feu.

Vous êtes donc libre de penser que les révolutions dans les mains de Dieu sont plus ou moins utiles à l’Église : ce n’est pas une opinion condamnée ; vous êtes libre pareillement de penser ce que vous voulez sur les circonstances de temps plus ou moins menaçantes, et de publier même, si vous le jugez à propos, vos prédictions. Mais il ne vous est pas permis de le faire de manière à fomenter avec cela ces maux horribles qui vous semblent nécessaires, comme des moyens pour la restauration de la société humaine et de l’Église. J’ai remarqué que vous vouliez trouver le Saint-Siège en contradiction avec lui-même en ce qu’il ne défend pas aux catholiques d’Irlande de revendiquer leurs droits, mais ici encore vous confondez deux causes bien diverses. Le personnage qui exerce dans les affaires de cette contrée la plus grande influence ne fomente pas la révolte de ce peuple ; mais il le contient dans les limites de la soumission parfaite. Son programme est d’employer les moyens légaux dans l’intérêt de