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aux Jésuites et aux prélats français, c’est lui, quoi que fassent les autres, qui triomphera définitivement.

Je vous écris de S. André della Valle, où m’a reçu le bon P. Ventura[1]. Celui-là est vraiment un homme de Dieu. Priez pour moi, mon cher et respectable ami, et croyez que partout où la Providence me conduira, il y aura quelqu’un qui vous est tendrement dévoué.


1833


La Chênaie, le 8 mai 1833.

Je romps, mon cher ami, un silence déjà bien long, pour vous recommander un jeune homme nommé Charles Audley qui ne tardera pas à se rendre à Genève, comme professeur d’anglais dans je ne sais quelle maison. Il aura l’honneur de vous voir en arrivant, c’est-à-dire vers la fin de ce mois, et il m’a prié lui-même de vous parler de lui, afin d’être déjà connu de vous quand il se présentera. Il a de l’esprit, du mérite, et, ce qui vaut mieux, de la religion. Né Anglais et protestant, il s’est fait catholique à Paris, étant encore très jeune[2].

En fait de nouvelles, je ne puis probablement rien vous mander que vous ne sachiez. Cependant il serait possible que vous ignorassiez qu’une congrégation de cardinaux assemblée ad hoc par le Pape, a décidé unanimement, le 28 février dernier, qu’il n’y avait pas lieu de s’occuper de la censure envoyée à Rome par une cinquantaine d’évêques français[3].

Reviendra-t-on sur cette affaire, pour laquelle les Jésuites et la diplomatie et tous les intrigans de Rome et de France s’étaient mis en mouvement, c’est ce que je ne sais pas, et dont je ne me soucie guère, à présent que j’ai vu de près ce que c’est que Rome, et quels sont les ressorts qui la remuent. Le bon P. Ventura vient d’être lui-même victime des intrigues infernales de l’infâme canaille qui domine dans cette malheureuse ville, et de

  1. Le P. Ventura (1792-1861), de l’ordre des Théatins, était alors un partisan dévoué et un ami de Lamennais : il dut se séparer de lui plus tard. Léon XII, Pie VIII et même Grégoire XVI l’admettaient dans leur intimité.
  2. Nous avons de ce jeune homme une lettre très touchante à Lamennais : elle est datée de Genève, 23 novembre 1833.
  3. Au moment même où Lamennais écrivait ceci, Grégoire XVI adressait à l’archevêque de Toulouse un bref en réponse à la lettre collective du 22 avril 1831, à laquelle fait ici allusion Lamennais.