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normaliens ou polytechniciens : plutôt les derniers. Rien de moins clérical, au sens vulgaire du mot, que le sérieux juvénile de ces clercs et leur air de troupe en campagne. Ils en sont peut-être redevables au voisinage des protestans, aux réactions d’une Église sur l’autre, à l’obligation de lutter courtoisement contre leurs frères de la confession rivale, et de les vaincre avec les armes que ceux-ci revendiquent : raison, science, moralité.

La vaste nef s’emplit ; elle s’emplit d’hommes, de tout âge, de toute condition, aussi nombreux que les femmes. Le Français qui passe le Rhin est frappé par l’affluence des hommes aux églises, par leur participation effective aux rites du culte. La religion demeure ici mâle pour des mâles. Par comparaison avec d’autres contrées où il se plie davantage aux exigences féminines, le catholicisme allemand est infertile, pauvre d’expédiens ; il ne sait pas inventer les dévotions nouvelles et s’y confire, il ne se prête pas aux pieux caprices d’une mode qui veut de la nouveauté dans les émotions religieuses. Les pèlerinages traditionnels continuent de se porter aux vieux sanctuaires, gardiens de reliques vénérables ; on ne les détourne point vers des basiliques neuves, consacrées à des miracles de fraîche date. Immobile dans ses formes extérieures, la religion de ces Germains est évolutive à l’intérieur des âmes ; elle y travaille au progrès théologique, moral, social. Religion vivace, pugnace, réfractaire aux entraînemens d’imagination ; religion un peu sévère pour les goûts des ouailles latines. On se représente pourtant très bien un Bossuet ou un Bourdaloue dans la chaire de Cologne : ne s’y retrouverait-il pas plus à son aise que devant certains auditoires, friands d’une nourriture spirituelle dont on ne sentait point le besoin au siècle de ces grands chrétiens ?

Munster.

De Cologne à Munster, le train court durant plusieurs heures sur le plat pays morose, entre d’interminables avenues de houillères, d’aciéries, de hauts fourneaux. Cette plaine de Westphalie n’est qu’une immense pelote hérissée d’aiguilles, les cheminées d’usines. Elles relient Düsseldorf, Duisbourg, Essen, où M. Krupp fabrique sa marchandise meurtrière. On la demande sur tous les points du globe ; les cliens exotiques lui apportent leurs piastres et leurs sapèques en échange de ses joujoux d’acier ; les Etats