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Il y a donc quatre groupes qu’il s’agit de classer et de rejoindre en comblant les lacunes par quelques lignes de prose du scénario. De deux de ces groupes, le discours d’Ariston et les vers de la fin, la place est nettement marquée. Quant aux deux autres, les plus importans, sans même tenir compte des raisons que j’ai données plus haut, la lecture attentive du scénario ne permet aucun doute. La jeune fille, après avoir écouté la lamentation, les imprécations désespérées de l’esclave, court à son père : — O mon père, lui dit-elle, tu m’as promis de m’unir bientôt à.. celui-ci pleure son amante, etc. — C’est la plainte amoureuse d’Hermias qu’elle vient d’entendre qui l’a touchée et la pousse à implorer la liberté pour le malheureux amant. C’est donc l’apostrophe :


O Vierge infortunée, était-ce la douleur…


par laquelle M. Gabriel de Chénier ouvre le poème, qui doit être placée en dernier lieu, et le poème doit nécessairement s’ouvrir par l’invocation au vieux père, à la mère désolée :


Triste vieillard, depuis que pour tes cheveux blancs
Il n’est plus de soutien de tes jours chancelans…


Pour rétablir l’Esclave dans son intégrité, il n’y avait plus qu’à relier ces différens morceaux par les quelques lignes de prose du scénario. Toutes ces raisons, tant matérielles que morales, semblent probantes. D’ailleurs, il suffit de lire l’Esclave dans le texte que j’ai eu le bonheur et l’honneur de reconstituer pour s’assurer que la composition de ce beau poème est d’une clarté et d’une gradation psychologique et dramatique parfaites.

Que le lecteur indulgent veuille bien me pardonner cette si longue et fastidieuse démonstration qui lui prouvera combien ma tâche fut parfois malaisée et qu’il n’est pas inutile, pour le classement des manuscrits d’un poète, de comprendre son génie.


L’orthographe d’André Chénier est irrégulière et souvent fautive. S’il emploie constamment la forme grecque ambrosie pour ambroisie, il écrit indifféremment étoit ou était, seroit ou serait et tous les temps de verbe similaires, ydille ou idylle, joye ou joie, myrthe ou myrte, naïade ou nayade, fraier ou frayer, jetter ou jeter, argille, beaume, boccage, gémaux, ieux, seur,