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reportant aux notes, deux jolis morceaux érotiques destinés sans doute à quelque élégie ou à l’Art d’Aimer, et qui semblent égarés, sans désignation aucune, au verso d’un feuillet des Bucoliques.

De ces cent onze feuillets de fort papier vergé blanc jauni ou bleu verdâtre, il en est qui ne contiennent qu’un seul vers, une ou deux lignes de prose ; d’autres sont écrits dans tous les sens ; d’autres couverts de projets en prose, de vers épars parmi des notes littéraires, de géographie, de botanique ou d’érudition, chargés de renvois et d’abréviations, soigneusement calligraphiés ou hâtivement jetés, pêle-mêle, sans ordre, au hasard de la plume et de l’heure. Tous ou presque tous portent en tête la syllabe Boux.

De cette édition nouvelle des Bucoliques, je n’ai prétendu, faire ni un fac-similé, ni une œuvre d’érudition. Celle-ci a été magistralement accomplie, en 1862 et 1872, par Becq de Fouquières. Après lui, il ne reste qu’à glaner. La reproduction servile des manuscrits si maladroitement essayée, dans l’édition de 1874, par M. Gabriel de Chénier, démontre la vanité d’un tel procédé pour une œuvre essentiellement fragmentaire où les ébauches informes et les notes préparatoires tiennent une place si considérable. J’ai voulu, avant tout, faciliter et rendre plus agréable la lecture de ces beaux poèmes dont le désordre, encore aggravé par ce malencontreux essai, devait rebuter la patience de plus d’un admirateur. Ce labeur long et difficile n’a été entrepris que par piété, pour la gloire d’André Chénier ; et j’ose espérer que, malgré bien des lacunes, il fera mieux comprendre, par le charme et la beauté de l’œuvre inachevée, toute la grandeur du poète.

Pour faire des Bucoliques l’édition idéale rêvée par Sainte-Beuve, pour en faire un livre, la grande, la seule difficulté à vaincre, était de trouver ou, pour mieux dire, d’imaginer une classification logique et claire. A première vue, le problème paraît insoluble. Débrouiller le chaos, quelque admirable qu’il soit, semble impossible à qui n’est pas un dieu. Mais l’homme, s’il n’est pas éternel, peut être patient. L’amour et la patience unis sont bien forts. A force d’y songer, de lire, de relire les manuscrits, je parvins peu à peu à les classer, quoique bien vaguement encore, dans mon esprit. Je compulsai tout ce qui a été écrit sur André Chénier, les belles études de Sainte-Beuve et