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LA NOUVELLE ALLEMAGNE

Notes d’un voyage dans la Hanse

Une fois de plus, l’Allemagne est redevenue pour nous sujet de préoccupations. Il n’y eut jamais que de courtes trêves dans le grand conflit historique entre les peuples de la Gaule et ceux de la Germanie : les premiers revendiquant toujours les frontières naturelles assignées à leur territoire par sa configuration ; les seconds prétendant rester maîtres des deux rives du Rhin et des régions où domine leur parler. On se bat depuis plus de mille ans sur la tombe de Charlemagne, l’empereur équivoque, à double face de Franc et de Teuton ; on se dispute les provinces litigieuses de son empire brisé en deux morceaux.

La dernière collision de l’autre siècle, si défavorable à la France, fut particulièrement violente et décisive ; décisive pour de longues années ; décisive au sens très relatif de ce mot, lorsqu’on l’applique à des différends séculaires que nul ne peut se flatter de trancher. Il est dans leur nature de renaître après chaque arrêt du sort, avec l’appel imprescriptible de la partie condamnée à Bouvines ou à Rosbach, à Iéna ou à Sedan.

Au lendemain de cette collision, et pendant environ un quart de siècle, l’Allemagne demeura la hantise persistante des imaginations françaises. Espoir d’une revanche à bref délai chez les uns ; chez les autres, crainte d’un retour offensif du vainqueur qui achèverait notre écrasement : tout concourait à nous tenir en haleine, « hypnotisés sur la trouée des Vosges, » comme il