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Et c’est bien ce que, maintenant, ses journaux reconnaissent avec unanimité, tout en répétant qu’elle n’était liée par aucun engagement antérieur. Qu’y a-t-il là qui ne soit très simple, très légitime, très avouable ? Mais aussi qu’y a-t-il d’inquiétant pour qui que ce soit ? Il aurait fallu, pour qu’il y eût vraiment une menace et pour qu’elle s’exécutât, que l’Allemagne se livrât contre la France à une agression évidemment injustifiée, et les déclarations de M. le prince de Bülow, sans parler d’autres motifs encore, ne nous permettent pas de croire qu’elle ait eu, à aucun moment quelconque, une intention de ce genre. Et alors, demanderons-nous, à quoi servent ces ardentes polémiques, ces demandes d’explications, ces colères plus ou moins sincères au sujet d’hypothèses qui ne devaient, ni ne pouvaient se réaliser ? Nous le disons nous aussi, — et non pas comme une conviction personnelle, mais comme une certitude, — il n’y a jamais eu d’alliance entre la France et l’Angleterre : il y a eu seulement la perception d’un intérêt commun que l’attitude de l’Allemagne a rendue plus nette et plus vive à un certain jour, de même qu’il dépend d’elle, et d’elle seule, de la rendre, sinon moins nette, au moins beaucoup moins vive dans l’avenir. Mais ni l’Angleterre ni la France n’ont fourni le moindre grief à l’Allemagne, et ni l’une ni l’autre n’ont par conséquent d’explications à lui fournir. Ce n’est pas notre faute si la politique de l’Allemagne a employé, pour nous éloigner de l’Angleterre, les procédés qui devaient le plus sûrement resserrer la cordialité de notre entente avec elle.

Les journaux allemands ont témoigné une certaine surprise, dont nous avons été surpris à notre tour, de ce qu’après l’arrangement du 29 septembre et après la conversation rendue publique de M. le prince de Bülow, la presse française et peut-être même le gouvernement français ne se soient pas écriés : « Tout est oublié, embrassons-nous ! » Nos impressions, il est vrai, et nos mouvemens sont vifs et prompts, mais non pas autant que cela. On aime beaucoup à rappeler en Allemagne que nous avons été fort mal avec l’Angleterre après Fachoda, et que nous nous sommes pourtant réconciliés avec elle. On s’y demande pourquoi il n’en serait pas de même de nos rapports avec l’Allemagne elle-même après Tanger. Ce n’est pas le moment de rechercher si les affaires de Tanger sont les seules qui nous imposent quelque réserve dans nos rapports avec l’Allemagne, car nous désirons qu’ils soient excellens. Mais enfin, même avec l’Angleterre, le souvenir de Fachoda ne s’est pas effacé en un jour et, pour le dissiper complètement, il a fallu toute une série de négociations où une bonne