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bannière du syndicat ? — Ainsi M. Berteaux a toléré, sinon encouragé en sa présence, l’exhibition du drapeau rouge et le chant de l’Internationale. Que faisait-il pendant le défilé ? Il donnait des poignées de main, il souriait, il saluait. De pareils faits se passent de commentaires.

On croit peut-être qu’après avoir si vivement appelé l’attention sur sa personne, M. Maxence Roldes, satisfait de l’impression produite, a compris l’opportunité de se faire oublier quelque temps. Grande erreur : il a pensé, au contraire, qu’un premier succès en appelait un autre, et il est allé faire une conférence à Amiens. Il a parlé de la loi sur les ouvriers des chemins de fer, loi que M. Berteaux a fait voter autrefois par la Chambre et qui est encore pendante devant le Sénat. Nous n’analyserons pas son discours. Qu’importe qu’il ait dit que « la République n’avait encore rien fait pour la classe ouvrière, » et qu’elle ne ferait pas davantage dans l’avenir à moins qu’on ne l’y forçât « par tous les moyens ? » Qu’importe que, parlant des socialistes, c’est-à-dire de lui-même, il se soit écrié : « Il y a dix ans, on ne voulait pas de nous ; aujourd’hui on nous entoure, on nous cajole parce qu’on nous sent forts ; mais nous ne serons pas dupes ? » Toute cette rhétorique est banale. La seule chose qui importe, comme manifestation de l’anarchie morale où nous sommes, c’est qu’un attaché de cabinet puisse se livrer à de pareils écarts de conduite et de langage sans compromettre son ministre et sans se compromettre lui-même. On a vu tant de choses non moins extraordinaires qu’on ne s’étonne plus de rien, et peut-être même faut-il savoir gré à M. Maxence Roldes de ne pas avoir attaqué l’armée en se déclarant anti-militariste. Mais d’autres l’ont fait pour lui.

Comme nous l’avons dit en commençant, l’appel de la classe sous les drapeaux a servi de prétexte à des manifestations à Paris et dans quelques villes de province. A Marseille, par exemple, des placards d’un rouge foncé ont été apposés sur les murs. « Lettre ouverte à un conscrit » était le titre de ce factum dont voici un passage : « Est-il vraiment de ton intérêt de servir la patrie ? La patrie est-elle vraiment une chose intéressante ? Non ! la patrie n’est, à quelque point de vue qu’on se place, qu’un fléau. » Tel est le ton général du morceau. Et il ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé : des faits analogues se sont produits ailleurs qu’à Marseille, et ont amené des désordres à la porte des casernes. Il y a eu des chants que nous qualifierions de séditieux s’ils n’étaient pas écoutés béatement par M. le ministre de la Guerre, des cris injurieux à l’adresse des