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charbon à bord, les dépose à quai, reprend 5 700 tonnes de minerai de fer et est de nouveau en route avant minuit[1]. Au dire de M. William Livingstone, président de l’Association des armateurs des Grands-Lacs, aucun pays du monde n’est arrivé, dans aucun port, à la rapidité d’opérations obtenue sur les Lacs. Et il cite des navires d’une portée en lourd de 7 000 tonneaux qui ont été chargés en quatre heures et déchargés en dix heures, « quelque incroyable que cela paraisse (incrediôle as the statement may seem). » Le steamer Superior City a livré au Northern Elevator à Buffalo 270 000 boisseaux d’avoines et d’orges en dix heures. Enfin, le record de la rapidité appartient à un port du lac Erié où, grâce à des moyens mécaniques puissans, et dans des circonstances exceptionnellement favorables, 5 210 tonnes de minerais ont été déchargées en trois heures cinquante-six minutes[2].

Ces résultats surprenans pourraient-ils être obtenus sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique ? A titre exceptionnel et pour certains chargemens déterminés, oui ; dans l’ensemble du trafic, certainement non. Il y a, en effet, ceci de particulier dans la navigation des Grands-Lacs, qu’elle a presque uniquement pour objet des marchandises lourdes et susceptibles d’être livrées en grande masse. Les chemins de fer nombreux qui contournent les Lacs attirent à eux toutes les marchandises légères, ou que la clientèle demande par livraisons de faible importance. Ils sont bien mieux adaptés que des navires à ce genre de service. Ils pénètrent partout au lieu de desservir les seuls points placés sur la rive des Lacs ; ils ne subissent pas la longue interruption du gros hiver et de ses glaces ; enfin les conditions mêmes de leur exploitation leur permettent de consentir aux marchandises légères ou divisées des prix peu différens de ceux que demande la navigation. Par suite, il ne reste à celle-ci que des matières lourdes susceptibles d’accumulation, de conservation, et qui peuvent, à cause de cela, être commandées et transportées en masse. Le charbon et le minerai de fer répondent tout à fait à ces conditions ; ils forment de beaucoup l’élément de fret le plus important sur les Lacs. Il faut y ajouter les grains, bien qu’en ce qui les concerne, la concurrence du chemin de fer soit active, et les bois, que les forêts situées près du Lac Supérieur fournissent encore en

  1. Hearings, t. II, p. 709.
  2. Ibid., t. II, p. 738.