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D’un autre côté, des armateurs prenant leurs points de comparaison dans la marine marchande norvégienne, présentent des états vérifiés d’où résulte une différence de 100 pour 100. Ces écarts ne sont pas inexplicables ; ils n’impliquent pas une contradiction ; ils répondent à une diversité de situations véritable. L’armateur américain de voiliers ou de tramps est fortement concurrencé par les Norvégiens. Les compagnies-à services réguliers souffrent moins directement de cette concurrence et se préoccupent davantage de leurs rivaux anglais ou allemands. Les armateurs de la côte du Pacifique emploient des équipages presque entièrement chinois. Les témoignages des différentes catégories d’armateurs ne peuvent donc pas concorder. La Commission a dégagé de la façon suivante la conclusion d’ensemble à en tirer. Sans chercher à donner une expression numérique à un écart qui varie suivant chaque espèce considérée, elle s’est bornée à constater l’existence de cet écart, son importance et l’absence de toute compensation destinée à y faire contrepoids. « La différence de salaires et de bien-être matériel n’est pas plus grande entre un navire américain et un navire étranger qu’entre une usine américaine et une usine étrangère. Mais les hauts salaires américains et les exigences plus grandes de l’ouvrier de terre américain sont et ont été depuis longtemps protégés par la législation douanière contre les salaires moindres et les conditions de vie inférieures des pays étrangers. Là se trouve en réalité le nœud de la question de la marine marchande aux États-Unis[1]. »

Il est donc parfaitement avéré que l’armateur américain paie son navire plus cher et l’exploite d’une manière plus coûteuse que l’armateur anglais, son plus redoutable concurrent. Et on peut se demander comment, dans ces conditions, il existe un armement américain. C’est ici qu’intervient l’effet de la législation réservant au pavillon national la navigation de cabotage. Non seulement les relations de port des États-Unis à port des États-Unis, même entre l’Atlantique et le Pacifique, restent le domaine exclusif du pavillon américain, mais les possessions des États-Unis, Hawaï, Porto-Rico, les Philippines, sont considérées à ce point de vue comme faisant partie du territoire national ; leurs ports comme des ports nationaux[2]. Par suite,

  1. Report, p. 11.
  2. En ce qui concerne les Philippines, la loi du 1er avril 1904 n’entrera en vigueur que le 1er juillet 1906. (Voyez la Circulaire no 160 du Comité central des Armateurs de France.)