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les chantiers américains les ouvriers spécialistes et expérimentés que possédait déjà l’Angleterre ; enfin, elle n’avait pas dans le pays et ne pouvait pas faire venir d’Angleterre, par suite du régime protecteur, les matières premières indispensables. La métallurgie américaine était encore dans son enfance à ce moment. Elle travaillait avec des procédés européens et des salaires américains ; elle produisait à un prix élevé.

Les armateurs des États-Unis voyaient donc à la fois les élémens de leur industrie diminuer et le prix de leur outil augmenter. Ils avaient moins à transporter, et ils payaient leurs navires plus cher. De plus, leurs équipages devenaient plus exigeans. Sous l’influence de la législation douanière protectrice, les salaires tendaient en effet à augmenter. Dans ces conditions, la lutte était impossible. Les capitaux et les activités qui avaient trouvé jusque-là un emploi dans l’armement étaient d’ailleurs sollicités vers d’autres directions ; tout était à faire aux États-Unis au lendemain de la guerre de Sécession ; les anciens armateurs construisirent des chemins de fer, créèrent des villes, des industries, des entreprises de toutes sortes et ne songèrent plus à la navigation.

Le cabotage subsista presque seul. Les relations de port américain à port américain étaient réservées de par la loi au pavillon national. Sur l’Atlantique comme sur le Pacifique il y eut donc encore des navires portant les stars and stripes, mais les relations maritimes avec le reste du monde ne furent plus guère assurées que par des navires étrangers.

Aujourd’hui, après quarante années de ce régime, la situation est peu modifiée. La flotte de cabotage s’est développée, une navigation spéciale également réservée au pavillon américain, la navigation sur les Grands-Lacs, a pris un essor considérable, mais le pavillon étoile joue encore un rôle insignifiant dans les relations maritimes avec l’étranger.

C’est que plusieurs des mêmes causes continuent d’agir et agissent assez puissamment pour faire obstacle aux influences contraires. On ne peut plus soutenir, il est vrai, que le commerce extérieur de l’Amérique est trop entravé par le protectionnisme pour alimenter des transports maritimes par navires américains ; la métallurgie américaine, d’autre part, est en mesure aujourd’hui de fournir à la construction navale toutes les matières premières dont elle a besoin, et elle peut les lui