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européens du Japon se chargeaient de surveiller l’exécution. A Saint-Pétersbourg la pensée vint sans doute de demander l’autorisation de franchir les détroits : peut-être même eut-on la tentation de se passer de permission ; s’il est vrai que de discrètes démarches furent esquissées pour sonder les dispositions de la Porte, le résultat fut la certitude que le Sultan se trouvait dans la nécessité de résister et qu’il pourrait compter sur un puissant concours, car c’est la flotte de la Baltique qui fut mobilisée et qui dut faire, autour de l’Europe, un long circuit où elle rencontra l’incident de Hull. Seuls les navires de la « flotte volontaire » franchirent les détroits : on sait comment ils visitèrent, arrêtèrent et capturèrent des bâtimens de commerce dans la Mer-Rouge et dans l’Océan Indien : il s’ensuivit une protestation anglaise auprès du Sultan qui se vit contraint d’exiger que, si d’autres bateaux de la « flotte volontaire » franchissaient le Bosphore sous pavillon commercial, ils ne devraient reprendre le pavillon de guerre qu’après avoir touché un port neutre. A quelque temps de là, un incident plus grave survint : le 22 juillet 1904, l’ambassade de Russie demanda à la Porte, par une note formelle, d’autoriser le passage de sept navires de la « flotte volontaire » qui, chargés de charbon, attendaient à Odessa l’ordre d’appareiller. Les démarches du gouvernement de Saint-Pétersbourg étaient pressantes, mais, de Londres, arrivaient des menaces appuyées par soixante-sept bâtimens de guerre qui croisaient à la sortie des Dardanelles et autour de Lemnos et qui, disait-on, étaient prêts à barrer par la force l’entrée de l’Archipel ! Intimidé par un tel branle-bas, préoccupé de n’irriter ni la Cour de Russie, ni le cabinet britannique, Abdul-Hamid traversa quelques jours de cruelle perplexité ; il pensa se tirer d’affaire en demandant à l’ambassade de Russie un engagement écrit stipulant que les sept navires, une fois passés, n’arboreraient pas le pavillon de guerre ; l’ambassadeur refusa de se plier à une telle exigence, alléguant que la parole du Tsar solennellement donnée devait suffire. Finalement les navires passèrent, mais un à un et à certains intervalles, et, dans la note par laquelle le ministre des Affaires étrangères de la Porte ottomane répondit à l’ambassade russe, il prit acte de la déclaration verbale, qui constitua comme la condition même de l’autorisation accordée.

Ainsi, de nouveaux incidens ne cessent de surgir du texte même des traités, des conventions et des protocoles ; plus on