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confirmaient les principes de 1841 et de 1856, aient voulu leur donner un démenti. Il ne s’agissait, selon toute apparence, que d’une exception nouvelle à une règle immuable, que d’une précaution de plus pour le cas où la Turquie se trouverait menacée dans son indépendance. Quoi qu’il en soit, le sens de l’article ne fut pas précisé à Londres ; c’est l’origine de la double interprétation qui s’est produite, huit ans après, à Berlin, et sur laquelle aucun accord n’est encore intervenu ; l’opposition des intérêts n’a pas permis la conciliation des formules.

Le Congrès de Berlin n’a pas touché au régime des détroits établi par les conventions de 1841, de 1856 et de 1871 ; l’article 63 du traité de Berlin abroge implicitement l’article 24 du traité de San-Stefano et confirme les articles du traité de Londres de 1871. Mais comment il convient d’entendre les textes et quelle est la nature des engagemens du Sultan envers les puissances et des puissances envers lui, c’est sur ce point que s’est produite, entre l’Angleterre et la Russie, une grave divergence d’interprétation. A la séance du 11 juillet 1878, lord Salisbury, au nom de son gouvernement, lut une déclaration ainsi conçue :

« Considérant que le traité de Berlin changera une partie importante des arrangemens sanctionnés par le traité de Paris de 1856 et que l’interprétation de l’article 2 du traité de Londres peut aussi être sujette à des contestations, je déclare, de la part de l’Angleterre, que les obligations de Sa Majesté britannique, concernant la clôture des détroits, se bornent à un engagement envers le Sultan à respecter à cet égard les déterminations indépendants de Sa Majesté, conformes à l’esprit des traités existans. »

Le lendemain, le comte Schouvalof demanda l’insertion au protocole d’une déclaration sur le même sujet :

« Les plénipotentiaires de Russie, sans pouvoir se rendre exactement compte de la proposition de M. le second plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, concernant la clôture des détroits, se bornent à demander, de leur côté, l’insertion au protocole de l’observation, qu’à leur avis, le principe de la clôture des détroits est un principe européen et que les stipulations conclues à cet égard en 1841, 1856 et 1871, confirmées actuellement par le traité de Berlin, sont obligatoires de la part de toutes les puissances, conformément à l’esprit et à la lettre des traités existans, non seulement vis-à-vis du Sultan, mais