Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/815

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’initiative audacieuse de l’amiral Duckworth. Par le traité signé en 1809, le Sultan déclare qu’il tiendra fermés les détroits, et l’Angleterre s’engage à ne plus renouveler la tentative de 1807, à respecter la clôture des Dardanelles à la condition que le Sultan la fasse respecter par toutes les autres puissances. Pour l’histoire des détroits de Constantinople, ce traité du 5 janvier 1809 est capital ; il contient déjà en germe la Convention des détroits de 1841, confirmée en 1856 et en 1871 ; l’Angleterre s’engage à ne pas renouveler la tentative de l’amiral Duckworth, mais c’est à la condition que la Porte imposera à « toute puissance, quelle qu’elle soit » l’observation de « cette ancienne règle de l’Empire ottoman. » Le Sultan, en paraissant prendre des garanties contre une agression, limite en réalité sa propre souveraineté sur ce point essentiel ; il confère à l’Angleterre, par un contrat formel, le droit de surveiller et d’imposer la clôture des détroits ; ce qui était auparavant un libre effet de sa volonté devient le résultat d’un engagement dont l’Angleterre est constituée la gardienne. Tel devait être le résultat des tentatives d’alliance franco-russe ébauchées par Napoléon.

La Porte, désormais, secouée par des crises successives, ballottée entre le péril russe et le péril anglais, va se servir de la fermeture ou de l’ouverture des détroits comme d’une monnaie d’échange pour gagner la protection de l’une ou de l’autre des grandes puissances ; mais le commandement des Dardanelles et du Bosphore, qui avait été le plus bel apanage de l’Empire turc, passe de plus en plus aux mains des étrangers ; les droits de la Turquie sont grevés de servitudes de plus en plus lourdes ; l’Europe, par une série de traités, tend à se substituer au Sultan ; mais, selon les vicissitudes de la fortune, c’est tantôt contre la Russie et tantôt à son bénéfice que la Porte est invitée à exercer ses droits de garde ; tant bien que mal les formules du droit s’accommodent aux fluctuations de la politique.

Dans l’hiver de 1833, le péril, pour Constantinople, vient du Sud ; Ibrahim, fils de Mehemet-Ali, s’approche à marches forcées ; le Sultan, dans cette extrémité, se tourne vers le Nord et fait appel au Tsar ; le 20 février une flotte russe mouille devant la Corne d’Or ; 50 000 hommes la suivent et viennent camper aux portes de la ville. Le Sultan est sauvé ; mais, avant de rappeler ses troupes, le Tsar réclame le prix de son concours. Alexis Orloff obtient du Sultan la signature du traité d’Unkiar-Skélessi