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successifs, remis en cause en 1902 et en 1904 par des incidens significatifs, restait en définitive mal déterminé.

Plus que jamais aujourd’hui l’empire du monde est promis au maître de la mer. Une puissante armée est, pour les États qui ont des frontières de terre, une garantie indispensable d’indépendance ; elle peut leur procurer la conquête d’une province et même l’hégémonie continentale ; mais l’Europe n’est plus qu’un coin du monde, une péninsule de l’Asie ; la domination de la mer, The Sea power, pour employer le titre même du célèbre ouvrage du capitaine Mahan, est seule capable d’assurer l’« Empire. » « L’Empire, c’est le commerce ! » s’écrie M. Joseph Chamberlain ; et l’empereur Guillaume II : « Notre avenir est sur l’eau ! » Les deux formules sont équivalentes ; elles signifient que c’est seulement sur le commerce international, le grand commerce qui se fait à travers les mers et qui a besoin, pour vivre et se développer, de s’appuyer sur une imposante force navale que, de nos jours, peut être fondée une puissance « mondiale. » La liberté des mers, l’ouverture des détroits et des canaux maritimes, la possession des points de passage, importent donc plus que jamais aux intérêts vitaux des grandes nations : ainsi la nouvelle politique impérialiste se rencontre avec la vieille politique des rivalités nationales pour mettre au premier plan de ses préoccupations la question des Détroits et de la liberté des mers. Divers incidens ont, en ces derniers temps, remis à l’ordre du jour ces problèmes toujours délicats et les ont montrés sous un aspect nouveau. Il était naturel qu’on reparlât du Bosphore et des Dardanelles à propos du Potemkine et au moment où l’affaiblissement momentané de la Russie peut faire appréhender de graves complications en Orient. La guerre russo-japonaise a attiré l’attention sur le régime des détroits : l’escadre russe de la Mer-Noire, arrêtée par les traités, n’a pu pénétrer dans la Méditerranée, tandis que la flotte de la Baltique, en vertu de la convention de Constantinople de 1888, a passé sans obstacle le canal de Suez. La proclamation de l’indépendance de la Norvège, la visite de l’empereur allemand à Copenhague, la campagne d’essai de la presse germanique pour lancer l’idée de faire déclarer la Baltique « mer intérieure » et, le mois dernier, la croisière significative de la flotte anglaise destinée à démontrer, par le fait, que la Baltique est bien une « mer ouverte, » viennent de faire ressortir certaines analogies