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Agréez de nouveau, Monsieur, l’assurance de mon respectueux et tendre attachement.

F. DE LA MENNAIS[1].

1824


Paris, 9 octobre 1824[2].

Je reçois, Monsieur et cher ami, votre lettre écrite de Florence, qui renferme les premières nouvelles que j’ai reçues de vous depuis mon départ de Rome. Je suis ravi d’apprendre que vous êtes content du succès définitif de votre voyage : Que Dieu continue de bénir votre zèle ! C’est le vœu que je forme de tout mon cœur. Pour moi, j’ai retrouvé ici ce que j’y avais laissé, et mieux encore peut-être, beaucoup de jalousies, beaucoup de haines, et tous les symptômes les plus agréables de nouvelles persécutions. J’étais descendu chez mon frère qui revient dans quelques jours pour dissoudre sa maison, et ramener en Bretagne ses neveux et ses domestiques. M. le Grand Aumônier m’a fait inviter à quitter promptement cette maison où j’ai encore

  1. Il manque ici au témoignage des deux biographes de M. Vuarin (t. II, p. 343) un certain nombre de lettres de Lamennais. Celui-ci, au milieu de mars 1824, écrivait au curé de Genève, — c’est M. Vuarin qui cite ces lignes dans une de ses lettres : « Nous avons un besoin pressant de vous voir ; car il s’agit de grands intérêts, de la gloire de Dieu et du bien de son Église, qui demandent impérieusement votre présence ici. » On ne sait ce que Lamennais entendait par ces paroles mystérieuses.
  2. Dans l’intervalle de ces deux lettres, vers la fin de mars 1824, l’abbé Vuarin était venu à Paris, et il y avait vu pour la première fois Lamennais à la Grande-Aumônerie. Les deux amis s’étaient concertés pour faire ensemble le voyage de Rome. M. Vuarin retourna à Genève, où Lamennais le rejoignit ; il y était au début d’avril, comme nous l’apprend une lettre datée du 5 avril et adressée de Genève à Benoît d’Azy. (A. Laveille, Un Lamennais inconnu, p. 179-180.) Le 25 avril, il écrivait à son frère : « M. Vuarin est toujours pressé à cause de. ses affaires. Je ne le vois qu’à table quand il s’y met, et là même il est si préoccupé qu’il n’y a point, à vrai dire, de conversation. Enfin, dans ma chambre par le mauvais temps, ne voyant personne, je m’ennuie plus que de mesure. » (Blaize, Œuvres inédites, t. I, p. 443.) Deux autres lettres, l’une à Benoit d’Azy, du 25 avril, l’autre à Mlle de Lucinière, du 15 mai, nous le montrent peu épris de Genève et des beautés du paysage : « Je vous demande un peu la belle merveille qu’un rocher pointu avec de la neige dessus. J’aime mieux mes tisons. » Ce fut d’ailleurs à Genève qu’il composa un certain nombre de ses Réflexions sur l’Imitation. Les deux amis partirent pour Rome le 2 juin ; ils y arrivèrent le 27 du même mois. Lamennais écrivait à son frère sous la date du 16 juillet : « Le Saint-Père que j’ai vu deux fois et qui m’a comblé de bontés veut me revoir encore pour causer, m’a-t-il dit, plus à loisir. Ainsi il faut que j’attende ses ordres. » Mais il s’ennuyait à Rome comme à Genève, et, tandis que son compagnon de voyage prolongeait son séjour dans la « Ville éternelle, » il faisait une excursion à Naples, et il était de retour à Paris le 1er octobre.