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peuples rentrer de toutes parts dans le sein de l’unité. Si le contraire arrive, si les doctrines populaires en religion et en politique continuent de se propager, c’en est fait de l’Europe ; la dissolution est inévitable, et je plains ceux qui en seront témoins.

Je ne saurais prévoir encore l’époque où paraîtra le deuxième volume de l’Essai[1]. Il me faudrait pour l’achever un loisir qui me manque. J’attends les momens de la Providence ; quand elle voudra que je finisse ce travail, elle saura bien me procurer le temps nécessaire pour cela.

Agréez, Monsieur, l’hommage de ma reconnaissance, de ma haute considération, et de mes sentimens respectueux.

L’abbé F. DE LA MENNAIS.

P. -S. — Mon projet est de retourner à Paris à la fin d’août. J’y demeure chez M. l’abbé Carron[2], cul-de-sac des Feuillantines, no 12, rue Saint-Jacques. Ce serait là, Monsieur, que je vous prierais d’adresser vos lettres, si vous me faisiez l’honneur de m’écrire.


Paris, 28 octobre 1819.

Je vous remercie beaucoup, Monsieur, de m’avoir fait tenir le petit écrit, publié à Genève, contre mon article sur la réunion des différentes communions chrétiennes. Il est utile de savoir ce que disent les adversaires. Celui qui m’a répondu ne comprend pas même l’état de la question. J’ai dit que le protestantisme se mourait, parce qu’une religion qui n’a plus de doctrine est une religion morte ; ce pauvre homme croit me réfuter en apprenant au monde qu’il y a autant de protestans que jamais, et qu’on les laisse partout fort tranquilles. Tout le reste de son écrit est de même force. Il n’y a pas lieu à répliquer, ce serait perdre le temps. Je ne sais si vous avez connaissance d’un journal protestant qui paraît ici, sous la même forme à peu près que

  1. Le premier volume de l’Essai avait été publié sous l’anonyme vers la fin de l’année 1817 ; le second volume a paru en 1820.
  2. Né à Rennes en 1760, l’abbé Carron mourut à Paris le 15 mars 1821. Il avait fondé, entre autres établissemens charitables, dans l’impasse des Feuillantines, un Institut des nobles Orphelines, où l’on recevait diverses catégories de pensionnaires. Ce fut lui, on le sait, qui acheva de déterminer Lamennais à entrer dans les ordres ; il lui avait cédé « un petit appartement » que Lamennais habitait, quand il était à Paris, depuis son ordination.