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par le Consistoire, et du régime véritablement inquisitorial qu’il a fait peser sur la vie genevoise, des convictions, ou tout au moins des sympathies catholiques subsistaient chez beaucoup d’âmes, en particulier dans la partie vraiment autochtone de la population. Par mille moyens détournés, ces sympathies ou ces convictions secrètes s’entretenaient, se fortifiaient, se transmettaient dans les familles. Malgré les précautions prises, les influences du dehors pénétraient aussi dans la place, et agissaient dans le même sens. Quand en 1679, au grand scandale des autorités protestantes, le résident français, M. de Chauvigny, ouvrit une chapelle et y fit célébrer publiquement la messe, bien des Genevois s’y rendirent. A la veille de la Révolution, on évalue de onze à douze cents le nombre des catholiques de la ville de Genève. Treize ans après, en 1802, ils étaient environ deux mille huit cents.

La Révolution, en effet, bien loin de nuire au développement du catholicisme genevois, y contribua singulièrement au contraire. D’abord, bien des prêtres fugitifs passèrent par Genève, y furent d’ailleurs très bien accueillis des protestans eux-mêmes, et y laissèrent sans doute plus d’une trace de leur passage. D’autre part, Genève tomba sous la domination française, et, avec l’administration nouvelle, ce fut encore un peu de catholicisme qui s’introduisit dans la « Rome protestante. » Le moment parut opportun à l’autorité diocésaine pour essayer de reconquérir les positions perdues. Un jeune prêtre, l’abbé Vuarin, s’était signalé pendant la Révolution par son courage et son audace à braver les dangers, par la générosité de son zèle, par l’ingéniosité hardie de ses initiatives ; il s’était fait l’aide de camp secret et attitré des prêtres proscrits de la Savoie et du diocèse de Genève ; et ce fut grâce à lui que prêtres et fidèles ne perdirent jamais entièrement contact les uns avec les autres. Il était né en 1769, à Collonges, en Savoie, petit village des environs de Genève, d’une famille de paysans. Destiné de bonne heure au sacerdoce, après de bonnes études à Nantua, à La Roche, à Annecy, il entra au séminaire de Saint-Sulpice et prit la licence de théologie en Sorbonne. Rentré au grand séminaire d’Annecy, il y reçut les ordres mineurs en 1792, le jour même de l’invasion française. Ce fut lui que les vicaires généraux du diocèse de Genève, vers la fin de 1799, désignèrent pour rendre au catholicisme droit de cité dans la vieille ville calviniste. Il n’était prêtre que depuis deux ans ; il était jeune, actif, plein de résolution et d’ardeur ; il