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L’art français


de


la fin du Moyen Âge




L’apparition du pathétique




I


Quand on a passé de longues années à contempler les figures vraiment saintes qui ornent nos cathédrales du xiiie siècle, — on a une étrange surprise en entrant soudain dans l’art du xve. On est presque tenté de se demander si c’est bien la même religion que les artistes interprètent. Au xiiie siècle, tous les côtés lumineux du christianisme se reflètent dans l’art : la bonté, la douceur, l’amour. Tous les visages semblent éclairés par le rayonnement du Christ adossé au grand portail. Il est très rare que l’art consente à représenter la douleur et la mort ; ou, s’il les représente, c’est pour les revêtir d’une incomparable poésie. À Notre-Dame de Paris, saint Étienne, mourant sous les coups de ses bourreaux, semble une figure de l’innocence et de la charité ; couchée sur un linceul que soutiennent deux anges, la Vierge morte semble dormir du plus doux sommeil. La Passion de Jésus-Christ elle-même n’éveille aucun sentiment douloureux. Au jubé de Bourges, la croix qu’il porte sur son épaule, en montant au calvaire, est une croix triomphale ornée de pierres