Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pitié pour les hommes… Mais cette pitié est mortelle pour les dieux. Oui, continua-t-elle implacable, vous êtes malades, vous êtes trop faibles pour votre sagesse ! Voilà votre châtiment, Hellénistes retardataires. Vous n’avez de force ni dans le bien ni dans le mal. Vous n’êtes ni le jour ni la nuit ; vous croyez ; vous ne croyez pas ; vous trahissez toujours, vous hésitez toujours, parce que vous ne savez pas vouloir… Vos dieux sont morts, je suis loin de cette contamination, de cette effrayante pourriture. Laisse-moi ; je ne puis t’aider en rien. Pars. »

C’est de la philosophie. C’est du symbolisme. J’ai bien peur que ce ne soit surtout du pathos. Vous trouverez encore dans La Mort des dieux des incantations, des évocations, des triomphes, des sacrifices à Apollon, tout ce que vous voudrez ; en tout et pour tout une information superficielle, une exécution adroite, de l’histoire frelatée et du talent factice.

C’est avec un vif plaisir que nous avons suivi M. Allard dans le récit de la vie privée de Julien. Ainsi qu’il nous le dit, ce qui intéresse le plus en un tel homme, ce n’est pas ce qu’il a fait, c’est lui-même. Mais, à partir de 355, tout se complique. La grande histoire pénètre dans l’histoire individuelle, l’envahit et en déborde de toutes parts. Julien se remettait à peine de ses chaudes alarmes d’Italie au milieu de l’existence paisible et animée d’Athènes, lorsqu’un ordre impérial l’appela de nouveau à Milan. Ses craintes le ressaisirent, il se crut condamné. Plus tard, il écrivait aux Athéniens à ce propos : « Que de torrens de larmes je répandis, que de gémissemens je poussai, les mains tendues vers l’acropole de votre cité, suppliant Minerve de sauver son serviteur ! Beaucoup d’entre vous l’ont vu, et peuvent en rendre témoignage. La déesse elle-même sait combien de fois je lui ai demandé de mourir avant de quitter Athènes. »

En réalité, on ne lui voulait pas de mal. Constance trahi de tous côtés, obligé de contenir seul les Barbares, trouvait encore une fois sa tâche trop lourde, et sentait le besoin de s’appuyer sur ses proches. Julien fut fait César comme Gallus autrefois, marié à une sœur de l’Empereur, et envoyé en Gaule avec mission de pacifier le pays. Il avait tellement l’habitude d’être malheureux et de prendre les choses par leur mauvais côté que son élévation le consterna d’abord. L’événement tourna pourtant à son avantage et à sa gloire, et les cinq années de son séjour en Gaule furent la partie la meilleure et la plus saine de sa vie : il