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communication supra-terrestre avant l’ascension finale ; à peine Julien eut-il la révélation des prodiges accomplis par Maxime, à peine eut-il entrevu dans ses pratiques « l’étincelle cachée de l’art divinatoire, » qu’il courut lui porter son âme de plus en plus avide et troublée. Personne plus que lui n’avait besoin d’oracles, pris comme il était entre les menaces de la politique de Constance et les vastes espoirs que sa naissance autorisait. Aussi fut-il immédiatement subjugué ; guidé par Maxime, il se mit en communication avec les puissances occultes, leur offrit des sacrifices, se fit initier à leurs mystères. Le surnaturel désormais se mêle à tous ses actes, détermine toutes ses résolutions. Il ne se reprendra plus, et sa vie réelle, si active parfois, ne cessera de cacher un drame intérieur tout aussi actif. Peut-être y eut-il quelque supercherie de la part des païens. L’habile Maxime fit parler les dieux comme il fallait, et par leur voix promit l’Empire à Julien. Au milieu de la fièvre de l’imagination, le sens critique défaillait en celui-ci. Mardonius n’était plus auprès de lui pour le rappeler au goût vraiment grec de la simplicité et de la clarté, pour l’arracher aux superstitions de l’Asie. Saint Grégoire de Nazianze raconte une scène d’évocation dans une caverne, qui est sans doute surchargée, car il écrivait dix ans après les événemens, sur des rapports oraux que sa haine pour l’ennemi mort l’empêchait de contrôler, et, il faut bien l’avouer, en vrai pamphlétaire. Mais son récit, dit ingénieusement M. Allard, qui, plein de bonne foi ne peut s’y laisser prendre, et qui cependant n’y veut pas contredire, son récit témoigne au moins des bruits qui avaient couru, et des conjectures et de l’agitation que les colloques suspects de Julien et de Maxime avaient dû provoquer dans le moment même. Les traverses que le jeune prince eut bientôt à subir lui rendirent sans doute plus cher son refuge intérieur ; les oracles favorables soutinrent secrètement son courage dans un moment où il avait plus que jamais besoin de consolation. En 354, la rébellion, la disgrâce et la mort de Gallus lui enlevèrent son seul proche parent ; lui-même redevint suspect, et passa près d’une année dans la situation la plus critique et dans les anxiétés les plus vives. Il dut aller en Italie se justifier auprès de Constance qui le traîna sept mois à sa suite, sans consentir à le recevoir ; peu s’en la Uni, dit Ammien Marcellin, que ses ennemis n’obtinssent alors contre lui une condamnation capitale. Enfin, grâce à l’impératrice Eusébie, il réussit à voir Constance