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temps, et les fit interner dans le domaine impérial de Macellum, en Cappadoce. Julien garda toujours un souvenir amer des sept ou huit ans qu’il y passa. Il se représente lui et son frère « détenus dans une maison étrangère, ou plutôt gardés à vue comme dans une prison chez les Perses. » Il se plaint de l’isolement dans lequel se passait leur vie, sans aucune communication avec les gens du dehors, sans compagnon de leur âge, et n’ayant de société que celle de leurs esclaves. Il dit enfin qu’il fut pendant ce temps sevré de toute étude sérieuse. M. Allard, qui a examiné la cause de très près, croit qu’il faut en rabattre sur ces récriminations de Julien. Lorsqu’il exposait ainsi dans sa lettre au Sénat et au peuple d’Athènes les duretés de son passé, Constance venait de mourir, lui-même était empereur ; il avait beau jeu d’exagérer autant qu’il lui plaisait ; il est toujours extrêmement âpre lorsqu’il parle de ses malheurs d’enfant, et il se noircit toute chose à plaisir. Sans doute il était à plaindre, livré aux fantaisies d’un parent qui était un ennemi, et sans que personne prît réellement à cœur ce qui le concernait. Macellum, après une grande capitale comme Constantinople, ou après une belle ville de province comme Éphèse, devait sembler un séjour un peu sauvage à deux jeunes gens épris de liberté ; on conçoit qu’ils se soient excités l’un l’autre en secret contre leur oppresseur. En réalité, ils habitaient un palais superbe, au milieu d’un site agreste et grandiose ; ils y menaient un grand train de vie. Mardonius vint les y rejoindre, et Julien continua avec lui ses études, en y ajoutant cette fois la philosophie : « Après ma première éducation, dit-il dans un passage du Misopogon, je fus dirigé, jeune homme, vers l’étude de Platon et d’Aristote. » Et plus loin dans la même satire, il s’adresse ironiquement aux habitans d’Antioche : « Vous n’êtes pas sans avoir entendu, leur dit-il, certains noms dont se rit la comédie, un Platon, un Socrate, un Aristote, un Théophraste. Ce vieillard (Mardonius) s’y était laissé naïvement prendre, et me trouvant jeune, ami des lettres, me persuada qu’en me faisant sans réserve leur disciple, je deviendrais meilleur. »

Julien oublie de mentionner une autre étude qu’il fit à cette époque, soit volontairement, soit de force. Saint Grégoire de Nazianze nous dit « que lui et Gallus reçurent à Macellum les leçons de maîtres des lettres humaines et de docteurs des Écritures sacrées. » On poussa même si loin cette seconde éducation