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et nous aurons bientôt une jeunesse saine, robuste, exercée au métier des armes. » Les recteurs, les préfets, recevaient des circulaires sur l’enseignement gymnastique et militaire dans les écoles normales primaires ; des cours de vacances, même, s’improvisaient, pour apprendre aux instituteurs l’exercice du corps et du fusil ; et l’éloquence officielle ne perdait aucune occasion de développer devant eux ces thèmes patriotiques, dont ils devaient à leur tour, chacun dans son école, être les interprètes écoutés et passionnés.

A la voix des ministres de la République, la petite France s’armait. Les bataillons scolaires se formaient. Jouer au soldat, c’était travailler : on essayait d’y jouer gravement, avec conviction, avec la volonté de maîtriser l’avenir. Dès cette époque, — il est aisé de le deviner, — un tel étalage de militarisme portait ombrage à certains politiciens ; ils se purent consoler, sinon rassurer, en songeant que, du moins pour un certain nombre de bambins, l’appât des revues militaires supplantait le pieux attrait des processions. Au reste, les survivans du pacifisme, consciens peut-être de la responsabilité qu’ils avaient eue dans nos désastres, avaient modestement mis leurs chimères en réserve ; on savait bien, dans le gouvernement, qu’ils continuaient de les courtiser ; mais c’était une liaison qu’on affectait de ne point connaître ; et Paul Bert passait outre aux murmures étouffés de ces incorrigibles, lorsqu’il disait, bien haut et bien net : « Nous voulons pour l’école des fusils ; oui, le fusil, le petit fusil, que l’enfant apprendra à manier dès l’école, dont l’usage deviendra pour lui chose instinctive, qu’il n’oubliera plus et qu’il n’aura pas besoin de rapprendre plus tard. Car ce petit enfant, souvenez-vous-en, c’est le citoyen de l’avenir ; et dans tout citoyen, il doit y avoir un soldat, et un soldat toujours prêt. »

Rey, le député de l’Isère, cherchait dans l’histoire de la Révolution française un précédent aux bataillons scolaires. On discutait dans les publications pédagogiques sur les meilleurs moyens de donner l’éducation militaire à l’école. Un éditeur entreprenant sollicitait les instituteurs de lui envoyer des « mémoires » sur la question, et promettait de récompenser les meilleurs. Il s’agissait en premier lieu, lisait-on dans le programme du concours, « d’examiner si l’éducation militaire à l’école est de nature à développer chez l’enfant les vertus civiques ; si elle doit augmenter en lui et la force physique et les sentimens de