encore davantage, s’il est possible, aujourd’hui qu’elle est mutilée, car on doit aimer encore plus sa mère lorsqu’elle a perdu un enfant. »
Une « adhésion générale, » des « applaudissemens répétés, » marquèrent à Paul Bert que son auditoire républicain pensait comme lui. Encouragé, il faisait vibrer en notes claironnantes les noms de nos grandes batailles et les noms de nos héros ; avec un beau fracas d’éloquence qui ressemblait à un cliquetis d’armes fraîchement fourbies, il quêtait des oboles et des cœurs pour la jeune Ligue des Patriotes ; il déclamait avec tendresse, avec espoir, les vers endeuillés et revivifians de M. Paul Déroulède. Dans sa péroraison, une idée d’homme d’Etat s’épanouissait : cette France divisée, que lui-même, par d’autres harangues, avait contribué à couper en deux, ne pouvait-elle s’unifier dans l’amour d’elle-même ?
« Il faut, disait-il, des sentimens élevés, une pensée unique, il faut une foi commune pour un peuple, sans quoi il ne serait qu’une agrégation d’hommes juxtaposés par des intérêts communs. Mais cette pensée unique et cette foi commune, il n’est pas nécessaire qu’il aille les chercher dans-des dogmes qui, du reste, chaque jour s’évanouissent, ne pouvant supporter l’éclat de la raison. Il faut qu’il les trouve en lui-même, dans le sentiment de sa dignité, de sa force, de sa grandeur, dans ses gloires, dans ses espérances, dans son ferme propos d’être prêt à périr plutôt que de cesser de vivre libre et de vivre honoré.
« C’est cette religion de la Patrie, c’est ce culte et cet amour à la fois ardent et raisonné, dont nous voulons pénétrer le cœur et l’esprit de l’enfant, dont nous voulons l’imprégner jusqu’aux moelles ; c’est ce que fera l’enseignement civique. »
L’exemple accompagnait le programme ; le manuel confirmait le discours. Paul Bert s’essayait à composer un catéchisme de cette religion nouvelle ; le livre s’appelait : L’Instruction civique à l’école, et le premier chapitre s’intitulait : Le service militaire, la patrie. Dans le reste du volume, l’auteur préparait les enfans aux divers actes civiques. Il effaçait de leur règle de vie tout ce qui n’était pas strictement laïque, et de leur idéal tout ce qui offrait quelque caractère de transcendance : c’était un civisme un peu mesquin, un peu étriqué, dont les obligations étaient fondées sur la volonté des députés, dont les sanctions étaient confiées à la consigne des gendarmes ; l’ensemble manquait d’une