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Pour ne citer que les plus intimes, il retrouva d’abord, d’un an plus âgé que lui, l’enfant d’une famille rochelaise ancienne et respectée, Emile Beltrémieux, qui exerçait déjà la plus heureuse influence sur le cercle d’esprits distingués dont il était le centre. Il terminait alors sa médecine, en attendant qu’Armand Marrast l’attachât à la direction du National. Intelligence brillante et forte, ouverte à tous les horizons de la pensée, Emile abordait tout, travaux scientifiques, poèmes, récits, théâtre, essais d’histoire, de critique et de philosophie, en même temps qu’il se jetait fougueusement dans la politique de généreuse émancipation qui préparait l’avènement de la démocratie. Il joua le premier rôle dans la formation intellectuelle d’Eugène Fromentin.

Un jeune archiviste paléographe né en 1816, Paul Bataillard, fut aussi pour Eugène, dès son arrivée à Paris, un ami précieux. Nature d’élite, consciencieuse et dévouée, méthodique et réfléchie, préoccupée surtout des progrès sociaux et de la recherche d’une règle morale, Bataillard traversait alors une crise d’âme bien propre à l’attacher à Fromentin. C’est entre eux que de 1840 à 1845 les confidences écrites se font le plus intimes.

Les trois jeunes gens ne tardèrent pas à se lier avec Armand du Mesnil, à peine l’aîné d’Eugène, destiné à devenir pour lui, par affinité plus encore que par alliance, un véritable frère. Expéditionnaire au ministère de l’Instruction publique où il s’élèvera plus tard avec éclat jusqu’à la direction de l’Enseignement supérieur, pour passer de là au Conseil d’Etat, du Mesnil, imaginatif, généreux de caractère et d’esprit charmant, cachait sous une vivacité volontiers fantaisiste une intelligence ouverte, un jugement sûr, beaucoup de sens et un grand cœur.

Tels furent les fondateurs de ce « phalanstère, » comme ils l’appelaient, qui sera la seconde famille de Fromentin jusqu’à l’époque de son mariage en 1852. C’est dans ce milieu de choix qu’il trouvera le point d’appui nécessaire à ses élans intellectuels, un refuge dans ses chagrins et dans ses doutes.

Nous donnons ici, par larges extraits, quelques-unes des lettres de jeunesse adressées par Eugène Fromentin à ces trois amis et à la sœur de l’un d’eux, Mlle Lilia Beltrémieux. La correspondance inédite sera prochainement publiée dans son ensemble. Les pages qu’on va lire n’ont trait, à quelques passages