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sa détermination. M. Thiers céda alors sur quelques détails insignifians, en restant ferme sur la question de substitution. Il eut gain de cause. Mais, au moment de signer la convention, M. de Bismarck tenta encore une fois de reprendre sa concession ; il se ravisa enfin, et signa, le 15 mars 1873.

Belfort rentrait définitivement dans le patrimoine national. Ce grand événement tient dans les quelques lignes suivantes des Notes et Souvenirs : « La convention du 15 mars, couronnement de notre œuvre commune et terme de ma tâche principale, combla la France de joie, et l’Assemblée nationale, s’associant au sentiment public, déclara, pour la deuxième fois, le 16 mars 1873, que j’avais bien mérité de la patrie. »

Ce n’était pas trop dire que cette convention comblait la France de joie : elle consacrait la paix définitive et annonçait la cicatrisation prochaine des plaies de la guerre. De là datent nos premiers efforts pour reconstituer l’organisation défensive de la France. Tel est le rôle de Belfort dans cette organisation, qu’on peut avancer que, si la place était restée à l’Allemagne avec le Ballon d’Alsace, l’orientation et les centres de résistance de la frontière du Nord-Est auraient été, à notre grand préjudice, bien différens de ce qu’ils sont aujourd’hui.

En s’obstinant à vouloir fermer la porte que les Allemands avaient ouverte sur la Haute-Moselle et la Haute-Saône, M. Thiers est parvenu à conjurer ces désastreuses conséquences.

Il est possible que certains adversaires de sa politique, sans tenir compte des obstacles suscités par l’Allemagne, ne renoncent pas à discuter son mérite comme libérateur du territoire, en arguant des immenses ressources financières de la France qui lui auraient permis d’obtenir très facilement ce résultat, mais ils ne réussiront jamais, quoi qu’ils puissent dire, à diminuer la gloire qui lui est acquise d’avoir sauvé Belfort et son territoire et assuré par là l’avenir de notre système de défense stratégique. Quant à ceux qui ont collaboré à cette œuvre patriotique, ils ont la satisfaction d’avoir rendu un service incontestable à notre pays, et de mériter, eux aussi, une petite part de sa reconnaissance.


GENERAL BOURELLY