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sur la frontière du Luxembourg ; militairement, la frontière du Luxembourg ne nous intéresse pas. » Quant à la question économique, il la résuma ainsi : « La réputation de l’industrie du fer, développée dans l’Est de la France, a été la cause, suivant moi, du zèle extrême qu’on a mis à nous demander ce terrain minier. Nous en avons cédé une partie ; la partie la plus considérable nous reste, elle est, pour bien des années, — non, pour bien des demi-siècles, — plus que suffisante à tout l’emploi possible des fers qui se produisent dans ces contrées. »

M. Thiers crut utile, en terminant, de faire appel à l’opinion du colonel Denfert sur la valeur stratégique de Belfort : elle corroborait la sienne. On ne peut s’empêcher de remarquer qu’il se dispensa d’en donner communication lui-même, et chargea de ce soin le vicomte de Meaux.

A son tour, le général Ducrot envisagea, sous le même jour que M. Thiers, les dispositions du traité relatives au Grand-Duché de Luxembourg. « La zone qui avoisine le Luxembourg, dit-il, n’a aucune importance ; elle est complètement tournée par la place de Metz et le plateau de Briey… La place de Luxembourg est en dehors de toutes les grandes lignes d’opérations. » Tandis que Thiers avait discrètement évité de se prononcer sur le rôle offensif de Belfort, le général Ducrot, ne se croyant pas tenu à la même réserve, s’expliqua ouvertement sur ce point : « C’est par la trouée de Belfort que nous pouvons pénétrer dans la vallée du Rhin, et prendre à revers la ligne des Vosges. Nous conservons même une certaine action sur le bassin du Danube, car les points de passage sont faciles et nombreux entre Huningue et Neuf-Brisach. » Les Allemands ont fait le même raisonnement auquel ils ont donné une sanction pratique, en construisant sur le Rhin, à hauteur de Belfort, la forteresse d’Istein, mais il est étrange qu’ils aient attendu trente ans avant de s’y décider.

Finalement, l’Assemblée nationale, se ralliant à l’avis de M. Thiers, approuva par 433 voix contre 98 le traité de Francfort.

En plus des 17 940 habitans et des 14 222 hectares en 28 communes correspondant au rayon militaire de 5 kilomètres prévu par les Préliminaires, la France recouvrait 60 communes comprenant 35 105 hectares et 26 936 habitans : elle cédait à l’Allemagne 12 communes lorraines contenant 7 083 habitans et 9 966 hectares ; enfin, les négociateurs de Francfort avaient