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de Belfort. C’était annuler complètement la valeur de la place, lui interdire la construction des forts détachés nécessaires à sa défense, et la laisser exposée, dès le début des hostilités, au feu des batteries ennemies. Aussi appela-t-il l’attention du gouvernement sur la nécessité d’obtenir une zone aussi large que possible autour de Belfort. Il pensa que l’on pourrait tirer parti, auprès des Allemands, de ce fait géographique curieux que la ligne de séparation des eaux du Rhône et du Rhin, distante, en moyenne, de 16 à 17 kilomètres des fortifications de Belfort, est, en même temps, celle de démarcation des langues allemande et française, et forme une sorte de frontière naturelle. Jugeant que personne ne pouvait mieux plaider cette cause que son capitaine adjudant-major, M. Gustave Renault, auquel sa situation officielle avait permis d’étudier à fond la topographie de la région de Belfort, M. Keller intéressa à cette question vitale M. de Larcy, ministre des Travaux publics ; son intervention amena l’envoi officiel à Bruxelles de M. Gustave Renault comme adjoint au général Doutrelaine. Il n’est donc pas exact d’écrire, comme la fait le colonel Laussedat, que ce fonctionnaire soit venu « offrir ses services » à la Commission de Bruxelles.

Si M. de Bismarck avait réussi à imposer à M. Thiers les clauses des Préliminaires, dans leur intégralité, telles qu’il les avait préparées d’avance, les négociations destinées à préluder à la paix n’auraient pu s’étendre qu’à des difficultés secondaires de rectification de la frontière sur le papier, que la Commission internationale aurait résolues plus tard sur le terrain. Mais les modifications concernant Belfort et le rayon à déterminer ultérieurement autour de cette place, ouvrirent la voie à des négociations beaucoup plus délicates, et élargirent, en même temps, les attributions de la Commission ; dès lors, il appartenait à celle-ci d’éclairer de ses avis techniques les négociateurs de la paix définitive, MM. Jules Favre, Pouyer-Quertier et de Goulard.

Le rayon du territoire à rétrocéder à la France autour de Belfort fut l’objet, au sein de la Commission internationale, d’interprétations diverses. Au début, les commissaires allemands ne craignirent pas d’avancer que ce rayon n’était autre que celui des servitudes militaires de la place. Non seulement le général Doutrelaine repoussa énergiquement cette solution, mais il se refusa à la discuter. Le général de Strantz se le tint pour dit. Sa motion lui avait-elle été dictée par le gouvernement allemand ?