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les font-elles déjà. Si telles sont les raisons qui déconseillent le choix de Tanger, et elles sont sérieuses, il y en a de très fortes au contraire en faveur de Madrid ou d’une autre ville espagnole. Un précédent s’impose d’autant plus à l’esprit que l’Allemagne l’a invoqué pour amorcer sa politique marocaine. Elle nous a contesté le droit de traiter des affaires du Maroc en dehors de toutes les puissances qui ont pris part à la conférence de 1880. Or, où s’est réunie cette conférence ? A Madrid. Quand on invoque une analogie, il faut s’y conformer. Comment pourrait-on soutenir que les affaires du Maroc ne peuvent être discutées et réglées en pleine connaissance de cause qu’à Tanger, alors qu’elles l’ont été, il y a vingt-cinq ans, à Madrid ? Nul n’a eu à se plaindre de ce qui s’est passé à cette époque, et l’Allemagne moins que personne, puisque c’est dans la convention de 1880 qu’elle a trouvé quelques-unes des armes dont elle vient de se servir. Elle en a fait un usage un peu abusif, un peu artificiel, mais efficace, ce qui devrait, semble-t-il, la disposer en faveur de Madrid. Si elle trouve néanmoins que cette ville est trop éloignée de Fez et de Tanger, il y en a d’autres en Espagne qui en sont plus rapprochées et où la conférence pourrait se réunir. Que demandons-nous, au total, et que désirent la plupart des puissances avec nous ? Que la conférence délibère dans un lieu tranquille et sûr, hors de la portée d’Erraissouli et des Andjeras, à l’abri des surprises et des coups de main. Est-ce trop exiger, et peut-on nous reprocher d’insister ici en faveur d’un intérêt purement français ?

Il y a au contraire, nous le reconnaissons tout de suite, un intérêt essentiellement français dans la question de la police sur la frontière algérienne ; mais cet intérêt est de telle nature que sa sauvegarde constitue pour nous un droit absolu. Nous ne pouvons, ni laisser contester le principe de ce droit, ce que d’ailleurs personne ne fait, ni laisser mettre en cause les conditions dans lesquelles il s’exerce. Le motif en est simple : les conditions sont réglées depuis longtemps, c’est-à-dire depuis le traité de 1845, par une série d’arrangemens directs entre le Sultan et nous. Quelques-uns de ces accords sont de date toute récente, mais ils sont le développement normal d’un état de choses préexistant, et conforme à des traditions ininterrompues. La police de la frontière ne regarde pas l’Europe : elle ne regarde que le Sultan et nous. On comprend que, dans le reste du Maroc et surtout dans les ports de mer où il y a une population internationale plus ou moins nombreuse, les puissances prétendent avoir le même intérêt à l’organisation de la police. Sur la frontière, c’est différent : il n’y