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ressasser des reproches dont il a été fait définitivement justice. Ce qui est pur bavardage et temps perdu, c’est d’aller recueillir chez Saint-Evremond, chez Voltaire, chez les romantiques, chez Taine et généralement chez tous ceux à qui a manqué l’intelligence du théâtre de Racine, des opinions qui ont fait leur temps. Qui aurait le courage aujourd’hui de partir en guerre contre Racine, sous prétexte que son Achille ressemble mal à celui d’Homère ? Qui ne sait qu’il y a, à propos de l’emploi de l’histoire dans notre tragédie, toute une question qu’on ne tranche pas d’un mot ? Qui prétend encore que le personnel du théâtre de Racine soit modelé tout juste sur celui de la Cour de Louis XIV, au lieu d’y reconnaître la vivante image de passions qui sont de partout et de toujours ? C’est pourtant cette défroque et ce sont ces laissés pour compte de la critique d’antan que M. Dreyfus-Brisac endosse, et qui lui font l’effet du neuf. Soyons justes, toutefois, et convenons que son morceau sur Racine contient, à tout le moins, un trait qui est bien à lui. Nous citons :


Si Phèdre fait pleurer, Hippolyte fait rire,
Tragique parodie où dans sa déraison
Point déjà d’Offenbach le masque à l’horizon.


Quand un lecteur français — et qu’il ait ou non dirigé une Revue d’enseignement, — discerne, à travers l’harmonie des vers de Racine, les flonflons de l’orchestre d’Offenbach, et quand pour lui la psychologie d’un des plus subtils connaisseurs des âmes se traduit par les pitreries des Baron et des Brasseur, celui-là nous ne songeons plus même à le blâmer ; nous ne savons que le plaindre.

L’autour des Etudes littéraires comparées est d’ailleurs en trop beau chemin pour qu’il puisse s’arrêter. Déjà d’un doigt sûr il désigne les « plagiats » de Bossuet. Car le panégyriste de Condé a dit : « Aussi vers les premiers jours de son règne, à l’âge de vingt-deux ans, le duc conçut un dessein où les vieillards expérimentés ne purent atteindre. » Or avant lui, Voiture, dans la lettre de la carpe au brochet, avait écrit : « N’étant qu’un jeune brochet comme vous êtes, vous avez une fermeté que les plus vieux esturgeons n’ont pas, et vous achevez des choses qu’ils n’oseraient avoir commencées. » L’imitation n’est-elle pas flagrante ? Mais si l’on retire des ouvrages de Bossuet, avec tout ce qu’il a pillé des Pères et des anciens, ce qu’il a dérobé subrepticement à Voiture, à Patru, et sans doute à d’autres encore, c’est alors qu’il nous apparaîtra sous son véritable aspect, c’est-à-dire dans toute sa misère. Ainsi, prosateurs aussi bien que poètes, ils sont tous passés à