Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— toutes les splendeurs de la royauté, devenues ses ruines, défilent en ces criées à la fois prodigieuses et lamentables. C’est, refaits, à sa manière, par la Terreur, l’état de la maison du Roi, celui de la maison de la Reine, celui des princes et grands dignitaires. Quel contraste avec l’almanach royal de 1789 ! L’effondrement d’un passé séculaire est là tout entier. Puis, « comme il ne reste plus rien à vendre, » suivant l’expression même du dernier procès-verbal, a lieu la clôture de cette vaste liquidation, qui prend fin au lendemain du 9 thermidor. L’attirail de la royauté était allé rejoindre la royauté elle-même ; celle-ci avait succombé sous le couteau de la guillotine, celui-là s’était dispersé aux feux des enchères, et ces deux opérations avaient en quelque sorte été simultanées et concordantes. Fait pour la monarchie, le mobilier de Versailles avait disparu avec elle et, nous l’avons vu, peu s’en était fallu qu’il n’en fût de même du château. C’est ainsi que tout se tient : sunt lacrimæ rerum.

De ce mobilier, il subsiste, cependant, de somptueux vestiges, et c’est avec raison que, naguère, le rapporteur du budget des Beaux-Arts au Sénat, M. Deandreis, souhaitait, lui aussi, que « les meubles, bronzes, tapisseries, formant le riche fond du mobilier national, dispersés sans motif valable et exposés à tous les dangers dans les ministères, les administrations, les ambassades à l’étranger, ou bien enfouis dans les réserves du garde-meuble et inutilisés, fussent réunis à Versailles, mis en valeur dans ce cadre unique, auquel ils rendraient un peu de la vie d’autrefois ; ils contribueraient à la renaissance de notre grand palais, en même temps qu’ils seraient plus intéressans aux yeux du public. »

Ce n’est pas moins justement que l’auteur de ce rapport faisait remarquer que, si les salles du mobilier créées au Louvre jouissaient de la vogue la plus légitime, tous les meubles de style qu’on y a réunis bénéficieraient d’un beaucoup plus harmonieux classement dans les salons de Versailles ; ils y reprendraient toute leur valeur, à côté des modèles de l’art décoratif français, au temps de sa plus éclatante période : boiseries, plafonds, peintures, bronzes, qui sont de purs chefs-d’œuvre.

Pour se représenter, tant soit peu, tout ce que Versailles, même après les dévastations commises par les invalides qu’y avait casernés le Directoire ou par les maçons du roi