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Versailles et ses dépendances[1]. Elle était telle que cette vente se poursuivit, sans aucune interruption, du 25 août 1793 au 20 août 1794[2]. Elle fut le triomphe des huissiers, des fripiers et aussi des quelques rares amateurs auxquels la Révolution pouvait laisser le loisir et l’argent nécessaires à la recherche et à l’acquisition des belles choses.

Ce ne fut pas sans quelque solennité que s’ouvrit cette vente gigantesque. Le premier procès-verbal débute ainsi :

« L’an 1793, le deuxième de la République, le dimanche 25 août dix heures du matin, en vertu du décret de la Convention nationale du 10 juin dernier qui ordonne la vente des meubles et immeubles de la ci-devant liste civile.

« Les citoyens Joseph-Mathurin Musset et Charles Delacroix[3] représentans du peuple, commissaires pour la vente des dits meubles et immeubles, section de Versailles, assistés du citoyen François-Antoine Bagueris, secrétaire greffier de ladite commission, ont requis le soussigné Jacques-François Thévenin Durozay, huissier audiencier au tribunal du district de Versailles y demeurant rue Neuve, no 9, 3e section, de se transporter à l’instant au château de Versailles dans un logement en faisant partie situé cour dite des princes, occupé par la ci-devant princesse Lambale (sic) à l’effet, au désir des affiches apposées en la ville de Versailles, de procéder à l’instant à la vente et adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur de tous les meubles et effets mobiliers provenant du Petit Trianon d’après l’inventaire qui en a été fait par lesdits citoyens commissaires, lequel huissier satisfaisant audit réquisitoire après qu’il s’est trouvé nombre suffisant de personnes marchands et autres a procédé à ladite vente en la présence desdits citoyens commissaires et encore en présence des citoyens Claude Mesnier et Jean-Louis Lavigne, commissaires nommés par le district de Versailles. »

Dans cette immense enchère les huissiers désignés par l’autorité se relèvent à tour de rôle, chacun d’eux ayant sa décade, pour

  1. Il faut se souvenir que plus de dix mille personnes, toutes installées aux frais du Roi, logeaient au château et dans ses vastes annexes.
  2. Procès-verbaux d’apposition de scellés sur les différens appartemens du château de Versailles, des deux Trianons, de la Ménagerie et des Maisons dépendantes de la liste civile sises en la même commune et pièces relatives à la vente du mobilier trouvé dans lesdits biens.
  3. Charles Delacroix fut le père de l’illustre peintre Eugène Delacroix, auquel Versailles dut notamment la Bataille de Taillebourg et l’Entrée des Croisés à Constantinople (maintenant au Louvre).