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ou jamais, l’occasion de tenir compte de réflexions fort judicieuses faites dès longtemps au sujet de lacunes singulières dans ce musée dédié à toutes les gloires de notre patrie.

Peut-on oublier que la France n’est pas seulement un pays qui a eu des monarques nombreux et qui s’est battu à peu près avec tous les peuples ? C’est une nation qui a répandu sur le monde entier les bienfaits pacifiques de sa lumineuse intelligence. « Une promenade dans notre musée national devrait nous faire assister à ce spectacle magnifique de la formation et du développement d’une grande race. Qu’y avait-il de plus séduisant que de tracer, à l’aide des arts, l’épopée intellectuelle de ce vaillant et ardent conquérant d’idées, qui s’appelle le peuple français ? Mais, dans ce prétendu panorama de notre histoire, rien n’est plus absent que le peuple. Il ne paraît guère que comme Louis XIV et Napoléon l’aimaient : revêtu de l’uniforme. On chercherait en vain un paysan à son sillon, un ouvrier à son industrie, un artiste à son atelier. Là aussi, cependant, il y aurait bien des gloires à honorer, d’autant plus dignes de recevoir les hommages de notre temps qu’elles ont été le plus souvent méconnues ou outragées par les siècles passés. L’histoire littéraire qui, à elle seule, formerait un ensemble si intéressant, est trop souvent comme absente, l’histoire religieuse n’a pas été plus favorisée. Cette même aridité mesquine a desséché nos annales politiques. Où sont les vivans témoignages de nos luttes communales si dramatiques, si bien peintes par Augustin Thierry ? Où chercher les images si facilement pittoresques de nos ancêtres, les Gaulois ? Et, pour les siècles suivans, devinerait-on qu’il y a eu dans notre histoire un cycle provençal, un cycle bourguignon, un cycle breton ? Un esprit maladroitement centralisateur a tout unifié pour donner à l’ensemble un ton également faux et terne[1]. »

En s’inspirant de ces considérations, l’on ne ferait guère, au surplus, que se conformer au plan d’ensemble tracé avant 1848. Après avoir quelque peu tâtonné, Louis-Philippe, en dépit des erreurs de détail et des fautes de goût qu’on relève dans l’exécution de ses projets, vit nettement ce qu’il fallait faire de cet immense palais : un musée monarchique dans les grands et petits appartemens qui sont, ainsi que les Trianons, des œuvres

  1. Emile Délerot, Ce qui a été dit de Versailles, 1865.