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Louis XV demeurait ébauchée par l’aile Gabriel qui, pendant plus d’un demi-siècle, dans son isolement, produisit un effet étrangement disparate. Ce fut soixante-dix ans après sa construction, inachevée d’ailleurs, que cette aile reçut enfin, au début de la Restauration, un pendant dû à l’architecte Dufour, qui lui a légué son nom. Ces deux bâtimens, qui datent ainsi, l’un d’avant, l’autre d’après la Révolution, forment, en avant de ce qui reste du château de Louis XIV, cette sorte de façade qui se rattache et se marie si peu à lui. Vue à distance, de l’avenue de Paris, elle n’est pas toutefois dénuée de quelque théâtrale grandeur. Tel était du moins l’avis de Louis-Philippe qui se plut à la considérer comme le fronton, prédestiné, du « temple de mémoire » qu’il dédia « A toutes les gloires de la France. »

Quelques légitimes regrets que doive causer, de ce côté du palais, une aussi choquante rupture d’harmonie entre ces hétérogènes constructions, l’heure n’est plus où l’on pouvait songer à changer l’aspect de cet ensemble ; il appartient à l’histoire. Si rien n’interdit de modifier, dans une certaine mesure, la physionomie des édifices où la vie du temps présent a succédé aux faits et gestes du passé et de les mettre en concordance avec les goûts, les habitudes, les besoins de ceux qui y résident, il n’en est, à aucun degré, de même des monumens dont la seule fonction actuelle est d’évoquer le souvenir des temps à jamais disparus. A cette catégorie on peut presque appliquer le dilemme célèbre : Sint ut sunt, aut non sint. Sans vouloir assimiler ou rapprocher Versailles des ruines classiques, — tels le Parthénon ou le Forum, qu’il devrait être interdit de profaner par des restitutions malheureuses et impies, — il est évident que la période des transformations du château de la royauté, aussi bien que du palais des Doges, à Venise, par exemple, est dès longtemps terminée. Sans y rien ajouter, sans en rien retrancher, il importe donc, avant tout, de conserver à Versailles le caractère que lui ont légué les siècles écoulés, et qui est son histoire même. Cette histoire, — ici celle de la France, parfois celle de l’Europe, — nous voudrions la voir, dans l’avenir, respecter plus qu’on ne fit précédemment.

Ainsi serait-il tout particulièrement à souhaiter que la cour d’honneur du château reprît l’aspect qui était le sien, lors de la réunion des États généraux, en 1789. Combien apparaîtrait-elle, alors, plus majestueusement belle, qu’avec ces pesantes statues