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faire cette courtoisie au groupe de républicains patriotes qui donnaient leurs noms, tout ensemble, à la Ligue de l’Enseignement et à la Ligue de M. Déroulède. Mais cette devise choquait les pacifistes. « Dans une institution quasi officielle, s’écria au congrès d’Amiens M. Surier, instituteur à Paris, ces mots : par l’épée, sont une sorte de menace pour les peuples étrangers. » M. Buisson donna l’assurance, au nom du bureau, que l’inquiétante vignette disparaîtrait.

Une fois l’ « épée » proscrite, les congressistes d’Amiens votèrent une longue et filandreuse formule, acceptée déjà par le congrès nîmois de la Paix, pour installer dans l’enseignement primaire la doctrine pacifiste. Il était encore question, dans cette formule, de l’obligation militaire ; mais la phrase qui s’y rapportait était cachée et comme effacée au milieu d’un certain nombre d’affirmations qui ne pouvaient qu’énerver le sentiment patriotique ; et la signification de cette journée « pacifiste » fut soulignée par certains congressistes, qui s’en allèrent, gaiement ou gravement, chantant l’Internationale dans les rues d’Amiens et d’Arras. « Les ligueurs, écrivait très justement M. Aulard, sont fidèles à l’esprit de Macé ; ils font ce que lui-même aurait fait. » Il semblait que Macé fût sorti de sa tombe pour contrecarrer les velléités qu’avait eues M. Chaumié de rappeler à nos instituteurs les droits et les exigences de l’idée de patrie ; et lorsque M. Chaumié, enchaîné par l’exemple de ses prédécesseurs, se fut laissé mener au banquet final de cette Ligue pacifiste, le ministre de l’Instruction publique était définitivement désarmé.


VI

A la fin de 1904, la partie semblait singulièrement inégale entre les défenseurs de l’idée de patrie qui, grâce à M. Bocquillon, possédaient enfin, sous le titre : l’École patriote, un organe mensuel, et les pédagogues aventureux qui manifestaient en groupe leur décision de « réclamer la paix internationale à tout prix et sans aucune restriction, » et de « lutter par tous les moyens possibles contre l’amour-propre des petits, qui devient l’honneur, et qui appelle comme conclusion la guerre. »

La perspicacité des chefs de l’armée s’inquiétait : ici même, en février 1905, dans une étude que nos lecteurs n’ont pu oublier, M. le général de Négrier écrivait :