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ouvrages de musique scolaire, des chants patriotiques. Les empoisonneurs, enfin, c’était Burdeau, l’ancien ministre, l’auteur du livre Devoir et Patrie, et c’était Paul Bert, dont la phrase : « Pas de haine entre Français, gardez-la pour l’ennemi, » suffit, d’après M. Franchet, à condamner tout un livre. Voilà comment Paul Bert et M. Compayré ont eu l’étrange fortune de subir, à vingt ans de distance, l’Index de l’Eglise catholique et l’Index du pacifisme républicain.

A l’exception de la Revue de l’Enseignement primaire, les divers périodiques pédagogiques couvrirent d’un discret silence les conclusions de M. Franchet. Des raisons commerciales les y forçaient. Les maisons d’éditions scolaires, propriétaires des livres proscrits, réputaient M. Franchet bien exclusif, et par courtoisie les journaux qu’elles impriment ne purent faire moins que de se taire. Mais les bulletins des Amicales assurèrent le succès du Bon Dieu laïque ; et l’Amicale de la Seine, à la fin de 1903, votait à une forte majorité, après discours de M. Franchet, que l’enseignement patriotique devait « perdre son caractère cocardier, haineux, brutal, revanchard, » et que les livres qui conserveraient ce caractère devaient être rayés des listes départementales.

L’esprit de Paul Bert, de Jules Ferry, d’Auguste Burdeau, était définitivement condamné par le personnel scolaire de Paris. A la Chambre, M. Buisson lançait une parole d’encouragement en déclarant, très haut et très net, que « l’inspiration générale du livre de M. Franchet » était « celle de tous les républicains. » Les Amicales des départemens poursuivaient l’œuvre : en Seine-et-Oise, dans le Rhône, on expulsait, comme militaristes et chauvins, le Tour de France et Francinet, livres graves et familiers, qui jadis occupèrent et charmèrent les loisirs de M. Alfred Fouillée. Sur la dénonciation d’un « primaire » fanatique, de petits écrits scolaires, sur lesquels des âmes s’étaient attardées avec un sentiment de piété pour la France, étaient jetés hors de l’école, comme des lambeaux de drapeau. L’Instruction civique de M. « Primaire, » la Morale de M. Albert Bayet, l’Histoire de France de M. Hervé, aspiraient à meubler les pupitres des écoliers : c’étaient là des ouvrages orthodoxes, où l’on n’abusait pas des vilains mots que M. Franchet proscrivait, du mot gloire, entre autres, réputé dangereux pour la République ! Pour faire connaître l’œuvre de la France en Afrique, M. Hervé la résumait dans une insidieuse gravure qui représentait « les