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l’école primaire de France s’élabore l’éducation de l’univers.

Ce seraient donc des idées surannées, ce seraient donc des préjugés de « bête humaine, » qui captiveraient l’esprit et la conscience de nos diplomates, lorsqu’ils croient avoir pour mission de maintenir la France à l’état de puissance de premier ordre, et lorsqu’ils réclament pour la démocratie française le droit d’avoir d’autres ambitions que la démocratie suisse ! « Il est clair, écrit M. Payot, et c’est cela qui fâche les partisans d’une France militariste, que la conscience pacifique des républicains tend à rendre impossible toute guerre injuste, toute guerre où l’on ne combattra pas pour l’existence et la liberté nationale. La France est résolument pacifique. Elle a des colonies plus étendues qu’elle n’en peut mettre en œuvre. Toute conquête nouvelle serait criminelle. » Sans aspirer à des guerres injustes, sans souhaiter que la République française ébauche des gestes conquérans, garderons-nous le droit, pourtant, de nous offenser ici de certain silence, qui laisse croire aux instituteurs que la France amputée est assez grande ? Et nous sera-t-il permis, aussi, d’être anxieux d’une certaine insinuation, qui donnerait à penser que notre domaine colonial est déjà trop grand, et qui s’accorderait assez avec l’opinion de certains journaux pédagogiques déplorant notre installation à Madagascar ? Mais assurément, si nous insistions, nous semblerions asservis à ce que le Volume appelle dédaigneusement « la superstition du kilomètre carré… » Après un tel mot, nous avouons battre en retraite, pour retrouver, bien loin derrière M. Payot, la pédagogie républicaine d’il y a vingt ans, fidèlement attachée au souvenir d’un certain nombre de kilomètres carrés, là-bas, vers l’Est, où des âmes filles de l’âme française étaient devenues orphelines.

C’est l’ironique malchance de certains pacifistes, qu’après avoir ébloui notre « chauvinisme » vulgaire par l’insolent éclat de leur générosité « humaine, » on les voit faire appel, pour recruter des disciples, à la foule banale des égoïstes. M. Payot n’a pas esquivé ce péril. Haine à la guerre ! Pourquoi ? Parce qu’ « en vingt ans de travail, un ménage d’ouvriers qui gagne cinq francs par jour se trouve avoir travaillé quatre cents jours pour payer les guerres passées. » L’instituteur et les écoliers seront, nous le craignons, plus sensibles à cet argument qu’aux paragraphes sur la grande nation pacifique et civilisatrice. Haine à la guerre concluront-ils, pour les sacrifices pécuniaires qu’elle implique,