Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primaires, chargées d’envisager à un point de vue national la réalité contemporaine, que se répandent ses rêveries : ballottés par ce qu’elles ont de vague, caressés par ce qu’elles ont de noble, l’esprit de l’instituteur et l’esprit de l’écolier risquent de se laisser exiler de leur époque et détourner des devoirs immédiats que cette époque impose. À vrai dire, les responsabilités de M. Payot, qui sont pesantes, lui deviennent légères par la façon même dont il accueille la contradiction et dont il l’élude. Très expert, sans doute, dans l’éducation de la volonté, — il a, sous ce titre, écrit un livre assez connu, — M. Payot, dès qu’il rencontre des contradicteurs, se plaît à leur remontrer, paternellement, que si leur opinion diffère de la sienne, c’est par l’effet d’une gaucherie dans l’orientation de leur volonté. Elle fut mal éduquée, cette volonté, et voilà pourquoi des partis pris les obsèdent, voilà pourquoi ils ne pensent point comme M. Payot. Il répond aux objections, précises et congrues, par de hautes leçons d’attitude intellectuelle et morale. Voyez, par exemple, dans quelle allure de moraliste, tout à la fois doctorale et protectrice, il a su se retrancher, pour éviter de discuter l’accumulation de faits gênans et convaincans que présentait M. Bocquillon, dans son livre : La crise du patriotisme à l’école : on croirait entendre une autorité dogmatique traitant de mauvais esprit le libertin qui la chicane, et laissant accès, d’ailleurs, à la possibilité de la contrition.

Il parut naguère, à M. Payot, que la volonté nationale à son tour avait besoin d’être éduquée. La griserie de gloire militaire lui fit l’effet d’une maladie de cette volonté, peut-être d’un péché. Dans cette hiérarchie de consciences en laquelle il résume l’humanité, le « braillard du patriotisme » lui semble voisiner avec le sauvage, et perpétuer une sorte de faute originelle de notre race ; le pacifisme, à la façon d’une rédemption, surélève l’humanité. Déjà les témoignages de confiance, somptueux, adulateurs, que tout un parti politique prodiguait aux maîtres d’école, leur étaient un motif d’orgueil ; à cet orgueil M. Payot ouvre des horizons nouveaux. Qu’ils se fassent pacifistes, et les voilà membres d’une humanité supérieure ; au-dessous d’eux, le soldat qui se bat de tout son cœur, le badaud qui regarde le soldat, sont enfermés, encore, dans l’animalité primitive ; et toisant du faîte de leur récente grandeur les « violens, » les « agités incohérens. » comme Duguesclin ou Napoléon, les