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leurs charges sont des violences. Sur les bons points, aussi, les instituteurs ne veulent plus de scènes militaires ; les faits d’armes au spectacle desquels se consolait notre fierté française feront place à de superbes aphorismes, que l’on qualifiera Maximes des grands hommes ; et la Société d’éducation pacifique, en attendant qu’elle ferme le temple de Janus, prétend inaugurer l’époque où l’on cessera de « déflorer l’imagination ou le jugement des enfans par l’hypnotisme malsain des gravures représentant les scènes de tuerie. »

Vingt-neuf Amicales d’instituteurs, dès 1903, s’honorent d’adhérer à cette société ; l’une d’entre elles, celle de l’Oise, s’essaie à créer, au service du pacifisme, une nouvelle poésie scolaire.


Brisons fusils, brisons canons.
Aimons-nous par-delà les monts.


Le poète primaire, interpellant tous les peuples, les convie, qu’ils soient Slaves, Germains ou Francs, à venir au banquet de la paix. Précisément, un banquet se tient à Paris, dans lequel la Paix doit être célébrée : les instituteurs et institutrices de la Seine s’y font tout de suite représenter par un convive et par un toast ; ils promettent de « façonner le cerveau et le cœur des générations futures » pour « d’autres revanches, plus lucratives, plus dignes de la France, plus nobles que celles de la guerre ; » et dans une phrase que nous ne nous chargeons pas d’expliquer, ils déclarent « abandonner de leur enseignement tout ce qu’ils ont jugé susceptible d’éveiller les instincts de combativité en faveur de la force brutale. » De jour en jour, les horizons s’élargissent, les rêves s’exaltent : sans espérer d’ailleurs un résultat immédiat, un collaborateur du Journal des Instituteurs projette un rendez-vous entre les éducateurs de toutes les nations : il voudrait leur faire « adopter à tous, à la fois, un système progressif de désarmement pédagogique. » Des autorités universitaires entretiennent cette ivresse : à Versailles, l’inspecteur d’Académie conseille de faire prévaloir peu à peu les idées pacifistes, afin d’arriver, dans un avenir prochain, à la fraternité des peuples ; à Paris, un inspecteur général salue l’école universelle comme la devancière de la paix universelle. L’École laïque de Toulouse, à laquelle collaborent des députés radicaux vraisemblablement informés, savait d’ailleurs de bonne source, en 1903, que « l’ogre