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2o Il faut entraîner le malade à ne plus tenir compte de ses idées et de ses sensations morbides pour l’organisation de sa vie et la direction de ses actes.

À l’état normal, nos sensations et nos idées sont les directrices naturelles de nos actes, au moins dans une certaine mesure. La faim règle, sinon l’heure des repas, du moins la quantité des alimens ingérés ; la fatigue limite les promenades, et le sommeil fixe l’heure et la durée du séjour au lit.

Avec beaucoup de restrictions, cette formule peut s’appliquer à l’état physiologique. Sans hésitation, elle ne doit plus s’appliquer à l’état pathologique.

Le nerveux qui n’a pas faim, ou qui redoute l’apparition d’une douleur qu’il attribue aux repas, doit s’habituer à manger sans appétit, et parfois en souffrant, ce que son médecin déclare qu’il peut digérer. De même, il devra se garder de manger s’il a faim à des heures anormales, qui ne correspondent pas à celles fixées par le médecin pour les repas.

Souvent même le sujet doit être exercé à faire des actes antagonistes de ceux que son instinct le pousserait à faire.

La base de cette partie de la psychothérapie supérieure est donc la fixation par le médecin d’un règlement de vie très net, très étroit, que le malade devra suivre aveuglément. Pour établir ce règlement, le médecin doit évidemment tenir compte des sensations éprouvées par le malade ; le plus souvent, le médecin accepte donc en quelque sorte la collaboration du malade pour établir ce règlement de vie ; mais, une fois les règles posées, le malade abdique tout droit de les modifier, quelles que soient les sensations éprouvées ultérieurement.

Puisque je ne parle ici que de psychothérapie supérieure, il ne s’agit pas d’un règlement de vie imposé, suggéré par le médecin au malade. Le malade doit l’avoir accepté et l’avoir compris ou du moins il doit en admettre la sagesse et l’opportunité. C’est librement qu’il se soumet. Et ainsi il fait acte de volonté ; car il faut beaucoup de volonté et d’énergie pour agir conformément à sa raison représentée par le médecin et contradictoirement à ses sensations provoquées par la maladie.

Il y a des sensations qui, à ce point de vue, embarrassent beaucoup les malades, notamment la sensation de fatigue. Un sujet doit-il s’arrêter quand il se sent fatigué ou au contraire se raidir contre la fatigue et continuer à agir malgré cette fatigue ?