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faire disparaître ces idées et ces sensations morbides, en même temps qu’on s’efforce, par les mêmes procédés, de faire naître et de développer les idées et les sensations physiologiques, antagonistes de celles que l’on veut détruire.

De ces principes découlent des règles de thérapeutique psychique que l’on comprendra par les quelques exemples suivans.


1° Il faut entraîner le malade qui a une idée, une sensation ou une émotion maladives, à ne jamais arrêter volontairement son attention sur cet état psychique que l’on veut faire disparaître.

Il ne devra jamais en parler, jamais en écrire, jamais l’analyser, pas même pour en rendre mieux compte au médecin (qui n’a pas besoin de ces auto-observations, dans lesquelles le névrosé se complaît et par lesquelles il aggrave son état).

Le médecin ne doit pas, lui non plus, tomber dans le piège que lui tend le malade (parfois inconsciemment) ; il ne doit pas discuter avec le malade son trouble psychique : le discuter, même pour le réfuter, est une manière de lui accorder de l’importance et par suite de l’accentuer et le fortifier dans l’esprit du sujet.

Il faut obtenir, non seulement que le malade renonce matériellement à arrêter son attention sur ses phénomènes morbides, mais encore qu’il le fasse volontiers, sans regrets, avec courage.

Le malade qui veut guérir ne doit pas faire comme ce gourmand « à qui les médecins interdisaient le melon, qui chaque fois provoquait chez lui de graves rechutes. Il n’en mange pas, dit saint François de Sales, parce que le médecin le menace de mort s’il en mange, mais il se tourmente de cette privation, il en parle,… il veut du moins le sentir et estime fort heureux ceux qui peuvent en manger. » Comme dit Payot après cette citation, « il faut en un mot détester non seulement la maladie, mais le melon qui provoque les rechutes. »

A la base de tout essai de psychothérapie supérieure, il faut non seulement le consentement du malade, mais il faut qu’il ait la ferme volonté et l’ardent désir de guérir et pour cela de suivre, avec joie et sans regrets, toutes les prescriptions psychiques qu’on lui fera ; il doit, en d’autres termes, avoir avec foi les yeux fixés sur le but à atteindre et ne pas faire attention à autre chose.